Les chemins de la Résistance

A Bollène et dans le canton

(1939-1944)

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Introduction
Préface

Première partie:

La drôle de guerre (de septembre 1939 à juin 1940)
Comme un réflexe chevillé au corps
La vérité que l’on voulait cacher
Les traîtres étaient ailleurs
Journal de guerre d’un Bollénois

La chasse aux communistes durant la "Drôle de guerre"
Liste des Français et étrangers suspects du canton de Bollène
La répression à Bollène et dans le canton
Déchéance des élus communistes

Les internés du camp de Chabanet (Ardèche)
Les fonctionnaires particulièrement visés
Avant de prendre une mesure disciplinaire
Une "affaire" vraiment rocambolesque
L’Inspecteur d’Académie apprécie
Épilogue de "l’affaire"
Le Préfet de Vaucluse s’intéresse à "l’affaire"
La "montée aux enfers"
Y a-t-il eu trahison?
La tragédie de la débâcle et de l’exode
Les dernières heures de la défaite
En attente de la démobilisation
Des unités polonaises à Bollène

 

Premières arrestations de Résistants à Bollène le 13 septembre 1943. (Voir photo)

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Les chemins de la Résistance à Bollène et dans le canton.

(1939 - 1944)

 

Ouvrage réalisé par une équipe animée par Charles MONIER, ancien Combattant Volontaire de la Résistance, à la demande de l’association bollénoise « Les Amis de la Résistance (ANACR) »

Avec la participation de :

Daniel BARRIERE, Hélène BUIX, Michel COUTURIER, Thierry DE PICOLI, Serge FIORI, Marie-Claire et Roger LIEGGI, Frédéric PERROT, Caroline PETRINI, Gilbert RAMIERE, Georges SABATIER, Marie Caroline SANCHEZ.

La photo de couverture a été prise clandestinement au hameau de La Croisière le 13 septembre 1943 par Mlle Germaine BODIN.

 

Les chemins de la Résistance

A Bollène et dans sa région.

Introduction.

Le 26 août de l’an 2000, commémoration de la libération de Bollène de l’envahisseur hitlérien. Cérémonie traditionnelle devant le monument aux morts. Traditionnel… et cependant un fait nouveau, marquant : Le représentant du préfet du Vaucluse dans son allocution, rend un vibrant hommage aux anciens combattants de la Résistance de la région de Bollène « plaque tournante de la Résistance du Nord Vaucluse » et particulièrement à deux d’entre eux : HENRI SABATIER tué en combattant, et EUGENE BERTRAND assassiné à Alès après avoir été affreusement torturé .

Une telle affirmation correspond-elle à la réalité historique ?

La soif de savoir a poussé d’anciens Résistants à faire des recherches et à écrire ce livre.

Après cinquante ans de silence, il semble nécessaire de faire connaître le combat mené par des hommes et des femmes du Nord Vaucluse contre l’occupant hitlérien, et ses collaborateurs de Vichy, pour la reconquête de l’indépendance de la France, et le rétablissement de la démocratie.

Certes, comme le souligne l’historien Henri Michel : « Venus des horizons les plus éloignés, les Résistants sont inspirés par des motivations multiformes » Les chemins de la Résistance, suivis par les Patriotes Bollénois furent les plus divers, mais la même volonté farouche, déterminée, les animait tous : bouter hors de France l’envahisseur maudit, rétablir la République et châtier les traîtres et les tortionnaires de tout poil. Cependant, tous les témoignages recueillis, tous les documents consultés aux archives départementales du Vaucluse, montrent que l’action résistante à Bollène a sa spécificité. D’une part, le rôle déterminant des militants communistes et d’autre part, l’esprit de résistance de l’immense majorité de la population. Rien de surprenant à cela, lorsqu’on connaît le passé historique de Bollène depuis 1920.

La jeune étudiante Bollénoise MELANIE SAISSE, dans son mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, nous livre une étude remarquable sur la vie politique et sociale de 1920 à 1945.

Nous pouvons y faire référence.

Au mois de décembre 1920, à peine le congrès de Tours terminé, la section socialiste de Bollène, sous l’impulsion de JOSEPH DUFFAUT, adhère à la Troisième Internationale, à l’unanimité, dans l’enthousiasme. La section devient communiste.

Dans un arrêté du 21 janvier 1920, le préfet du Vaucluse avait annulé les élections municipales du 30 novembre 1919 pour fraude électorale, le nouveau scrutin donne la majorité à la liste composée de socialistes et de sympathisants. Elle se transformera quelques mois plus tard en majorité communiste.

Ainsi Bollène devient une des premières municipalités communistes de France.

Toute la vie politique et sociale jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale est dominée par l’action des communistes dans la gestion municipale, et dans la défense des revendications des travailleurs du réfractaire, couche sociale la plus importante et la plus combative. La classe ouvrière bollénoise participe très activement aux grandes grèves de 1936. Des comités de Front Populaire se constituent en ville, au Hameau de La Croisière, à Mondragon. Déjà, dés 1934, la population, sous l’impulsion des communistes, participe à la lutte contre le fascisme. Des comités de vigilance antifasciste se constituent avec la participation d’autres démocrates. Notamment André ROMBEAU militant socialiste, Edmond VENDRAN, Urbain BAGNOL, Henri DESSERRE conseillers municipaux, Louis REYNAUD, Gaston LAMBERT radicaux socialistes etc. L’aide aux Républicains Espagnols réfugiés en France est effective.

En 1936, au cours d’élections municipales complémentaires, apparaît une liste de Front Populaire composée de communistes, de socialistes, de radicaux-socialistes, de démocrates.

(Voir Document)

Tout naturellement, quelques années plus tard, le même combat allait se poursuivre, contre l’idéologie nazie et le gouvernement de Vichy aux ordres de Hitler. Combat difficile que des témoignages et des documents consultés aux archives départementales vont nous permettre de faire connaître. Pour mieux les comprendre, il était nécessaire d’évoquer succinctement le passé historique de notre commune.

Il est également indispensable d’évoquer « la drôle de guerre » et le comportement des communistes durant cette période.

 

Ce livre n’a pas la prétention d’évoquer tous les faits de Résistance. Malgré nos efforts dans la recherche de témoignages et des appels dans la presse, certains faits nous restent inconnus. Par exemple, lorsque nous publions les noms des familles ayant caché et hébergé des réfractaires au S.T.O il est certain qu’il y en eu beaucoup plus, mais nous ne les connaissons pas. Plus de cinquante ans après, beaucoup d’acteurs de cette époque ont disparu emportant avec eux leurs souvenirs. Mais malgré des lacunes certaines, on peut dire que « Bollène a bien été une plaque tournante de la Résistance dans le nord Vaucluse. »

Le collectif de rédaction.

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Préface de Gilbert RAMIERE

Président de l’association bollénoise « Les Amis de la Résistance (ANACR) »

Le mot RESISTANCE est un concept que l’on trouve tout au long des pages les plus glorieuses de l’histoire de France. Il traverse les siècles.

Cela commence avec les gaulois et Vercingétorix qui résistent à l’envahisseur romain. Il y aura Jeanne d’Arc et ses compagnons qui bouteront les Anglais hors de France. Tout au long du Moyen Age et de l’histoire moderne, lors de grandes jacqueries, les paysans résisteront aux abus du pouvoir féodal et du pouvoir royal. Suite à la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, les protestants résisteront pour continuer à vivre leur religion.

Puis il y aura les grandes luttes ouvrières du XIXème et du XXième siècle. Enfin le mot RESISTANCE prendra un sens encore plus fort, lors de la seconde guerre mondiale, grâce à toutes ses femmes et à tous ces hommes, jeunes pour la plupart, qui résisteront aux nazis, qui oppressaient notre peuple, avec la complicité du régime de Vichy.

Au péril de leur vie, ils combattront les nazis qui avaient institué le racisme en tant que système d’Etat, prétendant que les populations germaniques étaient la race des seigneurs, asservissant les peuples des pays occupés et cherchant même à exterminer totalement certains peuples, comme ce fut le cas pour les juifs et les tziganes.

Ce livre est l’œuvre d’un collectif, mais je tiens à souligner le très grand travail effectué par l’un d’entre nous : M. Charles MONIER. Charles s’est rendu régulièrement pendant près de deux ans à AVIGNON, aux archives départementales. Il a ainsi pu trouver de précieuses informations sur cette époque. On verra notamment, que loin de la propagande officielle, le régime de Vichy était informé au plus près de la réalité par son administration et que la population de Bollène n’était en rien collaborationniste.

Sur le plan national, les chemins de la Résistance furent très variés comme le montre les chemins suivis par des femmes et des hommes d’exception comme par exemple le Général De GAULLE ou Jean MOULIN, Lucie AUBRAC ou Danielle CASANOVA, Jacques CHABAN DELMAS ou le colonel ROL TANGUY.

Pour Bollène et son canton, ce livre montre des chemins qui furent également très divers. Ces chemins différent d’une région à l’autre. Ils sont toujours le fruit de l’histoire locale. A Bollène on notera une influence très forte des idées communistes. Pour qui connaît l’histoire de cette commune, cela n’a rien de surprenant. Entre les deux guerres, Bollène a eu par deux fois un maire communiste et en 1935, le canton avait élu un conseiller général de la même sensibilité politique.

Ce livre a pour but de montrer la richesse et la multiplicité des formes de Résistance.

Cette page glorieuse de notre histoire ne doit pas tomber dans l’oubli.

Rappelons-nous que nous devons notre liberté retrouvée et la renaissance de la France à l’action de tous les résistants, femmes et hommes qui luttèrent jusqu’au bout, au péril de leur vie contre les nazis et le gouvernement de Vichy dont les objectifs de « révolution nationale » avec son slogan « travail famille Patrie » qui avait remplacé la devise de la République « Liberté, Egalité, Fraternité. »

 

Gilbert RAMIERE

Le 22 avril 2002.

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Première partie :

 

La drôle de guerre

(septembre 1939 à juin 1940)

(Voir Document)

Quand la seconde guerre mondiale éclate le 3 septembre 1939, un certain trouble se fait sentir parmi la population bollénoise, y compris chez les communistes.

La signature du traité de Munich entre les démocraties occidentales et Hitler fut ressentie "comme un lâche soulagement". Dans les cœurs la peur de la guerre était grande. On acceptait, sans y croire vraiment, la déclaration de Daladier, affirmant que la paix était assurée pour cent ans. Après l'Autriche, notre alliée la Tchécoslovaquie était livrée à Hitler. Cette capitulation n'allait-elle pas l'encourager dans son rêve de "grand Reich" dominant l'Europe?

La drôle de guerre (septembre 1939 à juin 1940)

Le parti communiste se prononça nettement contre le traité de Munich. Quelles étaient les véritables intentions de Daladier ? Pourquoi ménageait-il Hitler ?

La suite des événements accentua le trouble et l’inquiétude, notamment la signature du Pacte de non agression entre l’Allemagne Hitlérienne et l’URSS et l’interdiction du Parti communiste Français le 26 septembre 1939. Celui-ci privé de ses moyens d’expression, de sa presse, « l’Humanité » et dans notre région « Rouge Midi », est dans l’impossibilité d’expliquer son point de vue sur les événements. La plupart des militants sont mobilisés . La mesure d’interdiction de la section communiste de Bollène et des différentes cellules est prise le 27 septembre par le Préfet.

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Comme un réflexe chevillé au corps…

Pour les communistes bollénois, non mobilisés, ce fut une période très dure. Leurs adversaires politiques ne se privèrent pas de les présenter comme des traîtres, agents d’Hitler. Malgré la sympathie dont ils jouissaient depuis des années, ils se sentirent rapidement isolés de la population.

Courageusement, ils font confiance à leur parti et tentent de répondre aux mensonges et aux calomnies.

L’historien Alain GUERIN, dans son livre la « Résistance », témoigne en ces termes sur l’attitude des communistes durant « la drôle de guerre » :

« Les communistes ont, comme un réflexe chevillé au corps, un mélange de goût de la lutte et d’optimisme systématique, un entêtement dans le désir « de faire quelque chose », une obstination à ne pas céder. »

 

Certains rêvaient de voir disparaître le parti communiste. Dans la tourmente, il tient bon. Les communistes bollénois ne cèdent pas. Malgré les perquisitions, les élus déchus de leur mandat, les internements dans les camps, ils se préparent à la résistance et au rétablissement de la vérité.

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La vérité que l’on voulait cacher.

Le 24 août 1939, dans le dernier numéro de l’Humanité, Maurice THOREZ secrétaire général du Parti Communiste déclare :

« Staline a eu raison de ne pas se laisser entraîner seul à la guerre. Les accords militaires restent encore possibles, si Paris et Londres le veulent. A moins que l’anticommunisme et l’antisoviétisme ne passent avant les intérêts de la Paix. La Paix reste possible. Mais si la guerre éclate contre l’Allemagne , les communistes seront au premier rang pour la défense de la sécurité nationale »

Les médias se gardèrent bien de faire connaître cette déclaration. De leur côté les députés communistes réunis au Palais Bourbon le 25 août 1939 affirment :

« Si Hitler malgré tout, déclenche la guerre, alors qu’il sache bien, qu’il trouvera devant lui le peuple de France uni, les communistes au premier rang pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l’indépendance des peuples »

Le numéro de l’Humanité saisi le 25 août, avait sa « une » barrée par un énorme titre :

« Union de la Nation Française contre l’agresseur hitlérien. »

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Les traîtres étaient ailleurs…

« La drôle de guerre », c’est ainsi que l’histoire a appelé cette guerre, du 3 septembre 1939 à la capitulation de juin 1940. Drôle de guerre en effet ! Les hommes au pouvoir ménagent Hitler. Ils sont plus soucieux de lancer l’Allemagne hitlérienne contre l’URSS, que de donner à l’armée française les moyens de vaincre en l’équipant de chars d’assaut et d’avions.

A l’état major, grouillent les hommes de la « cinquième colonne » qui quelques mois auparavant osaient proclamer « plutôt Hitler que le Front Populaire ». Par haine du peuple, ils sont prêts à trahir.

Le gouvernement Français laisse les armées hitlériennes écraser la Pologne sans passer à l’attaque. Sur la ligne Maginot nos soldats jouent au ballon. Sur la frontière de la Sarre les hommes du 27ème régiment de Tirailleurs Algériens d’Avignon passent leur temps à creuser des tranchées et se contentent d’observer les soldats Allemands qui 300m en avant vaquent tranquillement à leurs affaires. Les officiers interdisaient d’ouvrir le feu, le jour, pour soit disant éviter toute riposte de la part de l’ennemi.

Devant le tribunal militaire international de NUREMBERG, le 4 avril 1946, le maréchal allemand KEITEL déclara :

« Nous fûmes très surpris qu’à l’ouest, à part quelques escarmouches… il ne se fût rien passé. »

Alfred JODL, autre chef de la Wehrmacht, déclare de son côté : « Le Führer ne pouvait pas comprendre pourquoi les français et les anglais restaient complètement inactifs. »

Après la Libération, la commission Charles SERRE est chargée de faire la lumière sur les responsables de l’écrasement des armées françaises en six semaines. Appelé à témoigner, Monsieur François PONCET ambassadeur de France à Rome a pu raconter comment, pour les fêtes de Pâques 1940, un diplomate allemand VON KÜHLMANN avait déclaré :

« Nous allons attaquer les Français très prochainement. Les combats seront brefs. La France ne résistera pas » (D’après l’historien Alain GUERIN)

 

Le gouvernement Français de Paul REYNAUD et l’Etat Major étaient donc informés. Le même historien rapporte qu’au procès de RIOM organisé par Vichy, le général BETHOUARD déclara :

« A LAMBALLE, le commandant du dépôt avait reçu l’ordre de désarmer les hommes en attendant l’arrivée des Allemands ».

Ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. Par contre, des unités et groupes de soldats ont mené des combats héroïques et désespérés pour tenter d’arrêter le déferlement hitlérien.

L’une de ces unités, partie de SEDAN se replie en combattant jusque sur la région d’ORANGE , refusant toujours de se rendre.

Ces actes héroïques d’officiers et soldats patriotes ne sont-ils pas déjà l’annonce de la Résistance au gouvernement de Vichy aux ordres de l’occupant nazi ?

Le général WEYGAND, chef des armées françaises, qui, durant « la Drôle de guerre » avait conçu le projet d’attaquer l’URSS par le CAUCASE, approuve pleinement l’armistice, accepte de capituler et pense « qu’il faut conserver notre armée pour empêcher la révolution ».

Dans ses mémoires, le général de Gaulle, à l’époque où il était secrétaire d’état à la guerre, rapporte un entretien des plus édifiant, avec le général WEYGAND :

« En ce moment, ils (les allemands) passent la rivière dit WEYGAND, je ne puis les empêcher.

- Soit répond de Gaulle ! Ils passent la Somme. Et après ?

Après ? C’est la Seine et la Marne.

- Oui. Et après ?

Après ? Mais c’est fini.

Comment fini ? Et le monde ? Et l’empire ?

L’Empire ? Mais c’est de l’enfantillage. Quant au monde… Lorsque j’aurai été battu, l’Angleterre n’attendra pas huit jours pour négocier avec le Reich »

Et WEYGAND conclut : « Ah ! si j’étais sûr que les Allemands me laissent les forces nécessaires pour maintenir l’ordre »

Maintenir l’ordre !

Peur du peuple ! Obsession de « Plutôt Hitler que le Front Populaire ». PETAIN, WEYGAND et autres politiciens de la grande bourgeoisie française ne voient qu’un recours : La capitulation.

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Journal de guerre d’un Bollénois

Le soldat, chef mitrailleur, Charles MONIER de Bollène, mobilisé au 27ème régiment de Tirailleurs Algériens d’Avignon, se trouve sur la frontière de la Sarre, en décembre 1939.

Dans son journal de guerre, il écrit :

« Lundi 4 décembre 1939 : Les jours sont étonnamment calmes. On joue aux cartes. On s’ennuie. On souffre beaucoup du froid et de la boue. La nuit par contre est agitée. Tirs de mitrailleuses et d’artillerie. A la tombée de la nuit, le capitaine est venu régler le tir de ma mitrailleuse. Il bloque la pièce dans une certaine direction. Interdiction de modifier cette direction. Il nous recommande de ramasser les douilles et de les ramener avec nous. Puis il s’éclipse et va tranquillement dormir quelques kilomètres en arrière, dans une maison où tous les officiers se retrouvent… avec des femmes dit-on ? Nous, pauvres troufions, nous restons à nous geler dans la boue de la tranchée.

De temps en temps, sur les ordres du sergent, j’appuie sur la gâchette et j’envoie une rafale dans le noir, je ne sais où ! Souvent la mitrailleuse s’enraye. Il faut dans l’obscurité démonter la culasse. Nous remarquons que la cause provient d’une cartouche qui n’est pas du même calibre. Bizarre ! »

« Lundi 11 décembre 1939 : Nous commençons à nous poser des questions. Que faisons nous ici à croupir dans les tranchées ! Pourquoi avoir arrêté la pénétration de nos troupes dans la Sarre ? Pourquoi s’être replié sur la frontière ? De nombreux morts pour rien. Et pendant ce temps, les troupes allemandes font la conquête de la Pologne »

« Dimanche 24 décembre 1939 : (Au repos à FAVEROLLES – Oise) Lorsque je partais d’Avignon, je pensais que la guerre n’aurait pas lieu, ou, si elle éclatait, elle ne durerait pas. Se massacrer entre peuples à notre époque me paraissait impensable. Mais aujourd’hui je me rends compte que cette guerre sera longue. Nous allons vivre des années terribles. J’en ai le pressentiment.

J’apprends aussi par un camarade venu me voir que les communistes sont traqués, emprisonnés. Maurice THOREZ a dû déserter pour éviter l’arrestation. Je suis fermement décidé à assumer, quoi qu’il arrive, mes responsabilités de communiste. »

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La chasse aux communistes durant la « Drôle de guerre »

En 1939/1940, les hommes au pouvoir, DALADIER, puis à partir de mars 1940 Paul REYNAUD, laissent les mains libres à Hitler pour s ‘emparer de la Pologne. Ils sont surtout soucieux de faire la chasse aux communistes. Nombre d’entre eux trop âgés pour être mobilisés vont être arrêtés et enfermés dans des camps d’internement créés spécialement pour eux et les Républicains espagnols réfugiés en France* . Dans tout le pays, la Police dresse des listes de communistes et de personnes dites « suspectes » à surveiller.

Par la suite, PETAIN et son ministre PUCHEU n’eurent plus qu’à puiser dans ces listes pour trouver les otages à fusiller. Entre le 5 et le 10 octobre 1939, 14 députés communistes sont arrêtés et incarcérés. D’autres ont pu prendre la fuite, tels Jacques DUCLOS, Gabriel PERI, Maurice THOREZ, Charles TILLON, CATELAS, MONMOUSSEAU…

Au printemps 1940, l’Etat Major de l’armée française déclare dans ses communiqués : RAS (Rien à signaler.) Par contre, le ministre de l’intérieur résume le résultat de la chasse quotidienne faite aux communistes :

« 11 000 perquisitions, 3400 arrestations, 1500 condamnations déjà prononcées, 555 suspects arrêtés, 700 fonctionnaires épurés, 3500 radiations d’affectations spéciales, 300 conseils municipaux suspendus, 2718 élus communistes frappés de déchéance. »

(Dossier 1 M 831 Cabinet du Préfet Du Vaucluse Avril 1940)

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Liste des Français et étrangers suspects.

(270 pour tout le Vaucluse. 24 pour le canton de Bollène)

Commune de Bollène

BISCARRAT Louis retraité PLM

BOISSIN Louis ouvrier

CHARVOLIN Claudius réparateur machines agricoles

DEVEDEUX Félix interné

FERRONI Fernand maçon

LACHAUX Emile percepteur

LANNIC François électricien. En résidence surveillée.

MARQUEZ Antorio ouvrier libéré du camp de VERNET

Vve MONIER Marie cabine téléphonique La Croisière

PAILLON André cultivateur interné

PLANCHE Elie ouvrier agricole interné

POUZOL Louis ouvrier

ZONZOGNI Garcin ouvrier

Commune de Lapalud

AUTMAR Robert électricien

DESSUS Marius droguiste

FAMOLET Jules cultivateur

JOLIVET Roger marchand de primeurs

Commune de Mondragon

DELARQUE Louis scieur inscrit au carnet B

GUERGUY Prosper représentant de commerce.

Commune de Mornas

BRUN Louis mutilé de guerre

LAUPIE Pierre correspondant du journal « Le jour »

VAQUANT Georges mutilé de guerre

VAROBIEF Dimitri naturalisé

ZAPATA Vincent espagnol

C’est sous le gouvernement DALADIER, que le Préfet du Vaucluse a fait dresser cette liste.

La plupart étaient signalés comme des militants communistes actifs.

(Source : A. D. du Vaucluse 1M831)

Le Vaucluse n’échappe pas à cette chasse. Voici à titre d’exemple le bilan de la répression pour la journée du 10 janvier 1940 : « 2 arrestations,77 individus envoyés dans des camps de travail, 43 radiations d’affectations spéciales (notamment à la poudrerie de Sorgues), 17 cellules communistes et 10 syndicats dissous, 25 perquisitions »

(Source : A.D. Vaucluse 1M826)

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La répression à Bollène et dans le canton

Dés la publication de l’arrêté d’interdiction du Parti Communiste, le Préfet de Vaucluse, le 27 septembre 1939, notifie la dissolution de toutes les organisations communistes de Bollène et du canton à M. POUZOL Louis, trésorier.

7 novembre 1939, c’est au tour de l’ARAC de Bollène, avec saisie du drapeau à l’emblème de l’association, en présence de M. LADET Jules, trésorier.

27 septembre 1939 : perquisition au siège du Parti Communiste, café Antoine, place de la Mairie (aujourd’hui café « le Milan ») en présence de M. POUZOL Louis, trésorier. Saisie de journaux, tracts, brochures, affiches, gravures, insignes et emblèmes. La ronéo échappe à la saisie, des militants ayant pris la précaution de l’enlever la veille et de la mettre en lieu sûr. Sous l’occupation, elle servira à l’édition de tracts clandestins.

Des communistes, non mobilisés, sont arrêtés et internés au camp de CHABANET, à 6 km de PRIVAS dans l’ARDECHE : Elie PLANCHE, André PAILLON, Prosper GUERGUY et COLLET de Bollène, LAGARDE de St Paul Trois Châteaux, Louis DELARQUE de Mondragon. Placé ensuite en résidence surveillée dans cette commune.

Antonio MARQUEZ est interné au camp du VERNET dans les Pyrénées, plus particulièrement réservé aux Républicains Espagnols. François LANNIC de La Croisière, astreint à résidence surveillée, est obligé d’aller chaque semaine « pointer » au commissariat de police.

Le camp de CHABANET fut hâtivement implanté dans une ferme vétuste, à demi abandonnée. Les internés dormaient dans deux dortoirs d’une cinquantaine de paillasses, installés l’un dans une écurie, l’autre dans un grenier.

Manque de chauffage et d’hygiène, nourriture insuffisante, la vie quotidienne était particulièrement dure pour des hommes qui n’étaient plus jeunes.

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Déchéance des élus communistes

Le Préfet, sur ordre du Ministre de l’Intérieur, procède à la déchéance des conseillers municipaux communistes de Bollène. Elus démocratiquement par les électeurs, ils n’auront plus le droit de siéger à l’assemblée communale parce qu’ils sont communistes.

Louis BOISSIN déchu le 14/12/1939, Edmond VENDRAN (sympathisant communiste) le 17/02/1940, Charles RAMIERE le 30/03/1940, Ernest LAFFONT en août 1940, après sa démobilisation. En février 1940, Etienne CHARPIER est déchu de ses mandats de conseiller municipal de Bollène et de conseiller général du canton. Interné au camp de CHABANET puis au centre de CHIBRON, dans le Var et finalement au camp de BOSSUET en Algérie. Mondragon n’est pas oublié. Urbain TALAMOND, Conseiller municipal communiste est déchu de son mandat et l’ensemble du conseil est suspendu en mars 1940.

Parallèlement à ces mesures répressives, le 11/04/1940 la police perquisitionne chez plusieurs militants communistes.

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Voir document: Le camp d’internement de Chabanet

Les fonctionnaires particulièrement visés.

En Vaucluse décision est prise de déplacer douze instituteurs communistes ou syndicalistes, dont deux de Bollène : Charles MONIER (communiste) et Lucien VARAUD (syndicaliste) qui avaient participé à la grève du 30 novembre 1938.

Mais Charles MONIER est mobilisé. Ne pouvant le déplacer, le Préfet décide de le suspendre de ses fonctions à dater du 1er mai 1940.

Le 7 mars 1940 il avait reçu une lettre du Préfet que nous reproduisons avec sa réponse.

Voir document 1

Voir document 2

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Jean BISCARRAT, garde champêtre à Bollène est révoqué le 6 juin 1940.

Le maire de Bollène signale au Préfet que Monsieur André BIOULES, facteur PTT est un membre actif de l’ARAC et un sympathisant ardent du Parti Communiste.

(Lettre du 05/04/1940. Source A.D. Vaucluse 1M825)

 

Lettre du Préfet au Ministre de l’intérieur le 17/04/1940 :

« J’ai relevé de ses fonctions de gérante de la recette auxiliaire des Postes et de gérante du débit de tabacs de Bollène La Croisière Madame Marie MONIER qui s’était associée d’une façon manifeste aux activités du Parti Communiste. »

(Source : A.D. Vaucluse 1M826)

Madame MONIER était la mère de l’instituteur Charles MONIER, lui même relevé de ses fonctions. Elle avait commis le crime en 1938 et 1939 de prêter une salle du restaurant qu’elle gérait aux jeunes communistes du hameau pour se réunir et au comité de loisirs, créé par son fils, pour la tenue d’un bal. Chaque dimanche, tous les jeunes du hameau venaient danser et se distraire. Voilà comment elle « s’était associée d’une façon manifeste aux activités du Parti Communiste ».

Le comité des loisirs de Bollène La Croisière est créé en 1938.Il rassemblait toute la jeunesse du hameau. Il fut rapidement taxé d'organisation communiste et devint la "bête noire" des fascistes du coin.

Voir les photos des activités du comité.

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Avant de prendre une mesure disciplinaire…

La décision prise par le Préfet du Vaucluse de déplacer douze instituteurs ne semble pas être approuvée par les autorités académiques si l’on en juge une lettre de l’Inspecteur d’Académie adressée au Préfet le 13 mars 1940 : (extraits)

« Je vous prie de bien vouloir trouver ci après les renseignements que la circulaire ministérielle du 16 février dernier me prescrit de vous donner au sujet des instituteurs dont vous envisagez le déplacement…

L’intérêt scolaire proprement dit n’apparaît pas comme compromis par l’activité de ces maîtres dans leurs classes respectives. D’une part, en effet, chacun d’eux a une note professionnelle dépassant plus ou moins sensiblement la moyenne (12 pour MONIER) et d’autre part, rien ne me permet de dire que leur enseignement se ressent des idées qu’ils peuvent avoir en matière politique… Par ailleurs…l’article deux du décret du 18 novembre 1939 nous fait obligation, « avant de prendre une mesure disciplinaire, de provoquer les observations de l’intéressé sur les faits relevés contre lui »… Je ne pense pas qu’on puisse valablement dire que le fait d’avoir posé à ces maîtres des questions concernant leur attitude vis à vis du communisme équivaut en somme à cette formalité précise…

Il serait également utile de demander au ministre… s’il est opportun d’envisager le déplacement de maîtres mobilisés.

… J’attendrai donc de nouvelles instructions de votre part au sujet de cette affaire. »

(Source : A.D. Vaucluse 1M825)

Quelle fut la réponse aux appréciations et demandes de Monsieur l’Inspecteur d’Académie du Vaucluse ?

Par une lettre du 18 mars 1940 au Préfet du Vaucluse, le Ministre de l’intérieur lui demande de saisir de cette affaire les autorités de justice militaires compétentes suite aux enquêtes effectuées à Bollène.

(Source : A.D. Vaucluse 4W9481)

 

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Une « affaire » vraiment rocambolesque.

Le 8 mars 1940, une série de perquisitions ont lieu aux domiciles de plusieurs communistes au hameau de La Croisière : Mme Vve Marie MONIER, M. M. François LANNIC, Georges BERNARD et Faustin BARAILLER qui lui n’était pas communiste, mais seulement membre du comité des loisirs.

La police saisit un certain nombre de lettres échangées avec des jeunes du hameau mobilisés aux armées.

Au même moment, l’instituteur Charles MONIER, mobilisé, soldat de 1ére classe, se trouve à FAVEROLLES (Oise) avec son régiment le 27ème régiment de tirailleurs algériens. Après deux mois sur le front et de combats en première ligne sur la frontière de la Sarre, le régiment est au repos. Les soldats de souche française partent en permission. Ce sera bon pour le moral après les horribles journées passées dans le froid et la boue des tranchées. Revoir ses parents , ses amis, le village, quelle joie !

Charles MONIER se souvient et raconte :

« Vers la fin mars, je vois débarquer un capitaine, juge d’instruction, accompagné de son greffier. Il m’informe que je suis traduit devant le tribunal militaire de la quinzième région. On m’accuse d’avoir profité d’une permission à Bollène, en janvier dernier, pour avoir procédé à la « reconstitution illégale d’une organisation de la troisième internationale communiste. »

Ainsi donc la répression anticommuniste frappait également les soldats qui se battaient pour défendre la France. Vraiment « drôle de guerre » ! ! !

Le capitaine juge d’instruction procède à une perquisition dans mon paquetage, saisit toutes les lettres que j’avais échangées avec ma mère, mes copains, les jeunes filles du village, ma marraine de guerre et que je gardais précieusement.

L’interrogatoire commence :

Vous étiez en permission à Bollène en janvier ?

Oui mon capitaine.

Vous connaissez un nommé François LANNIC ?

Bien sûr, c’est mon oncle.

Et Charles Ramière ?

Oui, c’est un voisin.

Avec eux, vous avez fait une réunion pour tenter de reconstituer la cellule du Parti Communiste dissoute.

Non ! Nous nous sommes rencontrés chez ma mère pour boire le café.

Et ce capitaine avec qui vous correspondez. Comment s’appelle-t-il ? Où se trouve-t-il ? (Certaines de mes lettres avaient donc été interceptées)

C’est le surnom que nous avions donné à un copain du village. C’est un jeune paysan. Tous les jeunes du hameau l’appelaient « le capitaine », je ne sais pourquoi.

Vous entretenez une nombreuse correspondance avec beaucoup de gens. Pourquoi ?

Ce sont des parents ou des amis de mon village, garçons et filles.

En attendant la suite de l’instruction, vous resterez aux arrêts dans le cantonnement, avec interdiction absolue de le quitter. »

Nouvelle injustice. Des accusations sans fondement. Toutes mes chères lettres emportées, que je n’ai jamais revues. Tout cela me met en rage !

Huit jours plus tard, les copains partent une nouvelle fois en permission. Quant à moi, je reste aux arrêts dans ce trou du département de l’Oise avec ma correspondance strictement surveillée et censurée.

J’ai su par la suite que le commandant du bataillon était intervenu en ma faveur, affirmant que j’étais un bon soldat et que j’avais fait mon devoir.

Le plus risible, c’est qu’à la fin de mon service militaire en août 1938, le colonel du régiment m’avait délivré un certificat de bonne conduite. 18 mois plus tard j’étais considéré comme un traître, traduit devant un tribunal militaire.

Une quinzaine de jours passent. Fin avril le capitaine me fait appeler et me déclare :

« L’instruction est terminée. En attendant que tu sois convoqué devant le tribunal militaire tu pourras partir en permission dans les premier jours de mai. »

J’allais donc être jugé par le tribunal militaire de la 15ème région, en compagnie de Charles RAMIERE et François LANNIC, tous deux habitants La Croisière.

C’est sans doute l’épilogue de la lettre du ministre de l’intérieur au Préfet du Vaucluse sur une « affaire » à Bollène, devant être instruite par les autorités de justice militaire. Finalement le procès n’a jamais vu le jour et se termina par un non lieu. Peut-être en raison de la débâcle qui survint après l’offensive allemande du 10 mai, au cours de laquelle mon bataillon fut décimé et fait prisonnier.

Grâce à cette « affaire », je fus le seul rescapé parmi les français du bataillon parce qu’au moment de l’offensive j’étais en permission à Bollène.

(Source : archives personnelles de Charles MONIER)

Ô miracle de l'anticommunisme.

Le 22 août 1938 le soldat Charles MONIER se voit décerner un certificat de bonne conduite pour avoir "servi avec honneur et fidélité", en avril 1940, il est devenu "un individu dangereux et nuisible".

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L’inspecteur d’Académie apprécie…

Le 24 mai 1940 , il écrit au juge d’instruction près le tribunal militaire de la 15ème région à Marseille :

« Comme suite à votre lettre du 21 courant, j’ai l’honneur de vous faire connaître que M. MONIER, instituteur venu du département de la Seine dans celui du Vaucluse (Bollène) en octobre 1938, est noté professionnellement comme un « maître ponctuel et appliqué ». Sa conduite habituelle et sa moralité n’ont, à ma connaissance, donné lieu à aucune plainte »

(Source : A.D. Vaucluse 1M825)

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Epilogue de « l’affaire ».

Décision du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de la 15ème région :

« J’ai l’honneur de vous informer que le sieur MONIER Charles, instituteur à Bollène, poursuivi pour activité communiste, a bénéficié d’un non lieu, l’inculpation ne paraissant pas suffisamment établie.

Néanmoins à l’heure où la France compte sur la jeunesse pour relever ses ruines, il importe de ne pas confier l’éducation de cette dernière à des maîtres qui en paraissent indignes »

(Lettre du 26 juillet 1940 au Préfet . A.D. Vaucluse 1M825)

Le souhait du commissaire du gouvernement fut immédiatement exaucé. Cet instituteur Bollénois démobilisé le 28 juillet 1940 était, huit jours plus tard, suspendu de ses fonctions pour un an, sans traitement et par la suite déplacé dans le département des Basses Alpes, aujourd’hui Alpes de Haute Provence.

Charles RAMIERE et François LANNIC , également poursuivis dans cette « affaire » bénéficient aussi d’un non lieu.

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Le Préfet du Vaucluse s’intéresse à « l’affaire ».

Voici des extraits d’un long rapport du Préfet au Ministre de l’intérieur en date du 8 mars 1940

(A.D. Vaucluse 1M826)

« Les correspondances saisies au cours des diverses perquisitions… ont été groupées en trois scellés numérotés de 1 à 3.

Ces lettres, les unes antérieures à la déclaration de guerre, les autres postérieures aux hostilités, donnent une idée exacte de la mentalité et de l’attitude actuelle de certains éléments. J’ai nommé :

MONIER Charles, mobilisé au 27ème R.T.A. secteur postal 244.

RAMIERE Charles, ex conseiller municipal communiste de Bollène, mobilisé au dépôt de cavalerie N°15 à Orange.

Un militaire du 113ème R.A.L.H secteur postal 138, qui signe « Marcel » et pourrait être un nommé ARNAUD Marcel.

En ce qui concerne le sieur MONIER Charles, ses lettres édifient sur sa mentalité.

Sa conception de la discipline militaire et du respect qu’il doit à ses supérieurs, s’étale dans sa lettre cote 10, scellé N°1. Dans sa lettre cote 13, scellé N°2 « ce sont des bandits » dit-il en parlant de ses chefs. Dans sa lettre cote 14 scellé N°2, il s’exclame : « Un jour viendra où nous leur ferons payer toutes nos misères ». Dans cette même lettre, parlant de l’allocation de combat, il l’appelle la « prime du sang » et il ironise sur les bons d’armement, dans sa lettre cote 23 scellé N°2.

Le jeune MONIER ne semble d’ailleurs pas se borner à exercer son esprit critique et grossier sur l’armée et la société, et sa lettre cotes 11 et 12 du scellé N°2, prouverait qu’il se livre également à une action de propagande auprès de ses camarades militaires. Dans cette lettre, il déclare avoir eu des conversations intéressantes avec des soldats voyageant en sa compagnie « ils ne comprennent pas encore la manière de s’en sortir, mais ça viendra » dit-il. Tous ses amis politiques lui écrivent et il leur écrit.

LAFONT Ernest, Equipage de Pont 1935 N°6 secteur postal 308 , dans sa carte postale cote 12, du scellé N°1, lui dit : « Bon, d’accord pour tout ce que contient ta lettre, nous en reparlerons, nous ne sommes pas encore tous morts, ni muets ». Ce LAFONT est un militant extrémiste dont l’état d ‘esprit s’étale clairement dans sa lettre cote 15 du même scellé.

RAMIERE Charles, mobilisé à Orange, dans sa lettre cote 25 du scellé N°2 déclare : « Orange, cité historique dans le passé comme dans l’avenir et dont on parlera longtemps ». Il ajoute : « Nous allons sûr vers un avenir meilleur et je puis te dire que nous avons beaucoup de camarades ». Quand on sait que RAMIERE est un militant convaincu, on devine toute la portée de ses paroles.

Un autre militaire qui signe « Marcel » mobilisé au 113ème R.L.H.C et qui doit être ARNAUD Marcel, semble ne pas rester inactif non plus puisque dans sa lettre cote 9 du scellé N°2, il déclare : Je ne perds pas mon temps. Je suis heureux du résultat ».

Sans nul doute, tous ces personnages dont il vient d’être question se livrent à une action révolutionnaire de regroupement et de propagande parmi leurs camarades militaires. Une information judiciaire semble s’imposer à l’effet de déterminer leur activité.

En ce qui concerne le comité des loisirs de Bollène La Croisière, fondé vers 1938 et groupant 70 membres actifs et 6 membres honoraires, il semble bien qu’il s’agisse d’une organisation d’inspiration communiste. Je n’en veux pour preuve que la personnalité du fondateur Charles MONIER, la présence des communistes LANNIC, DUGAS, ARNAUD, BERNARD Georges.

En créant cette association MONIER a voulu certainement grouper la jeunesse de Bollène pour lui insuffler, par un travail de persuasion lent mais sûr, l’esprit révolutionnaire qui l’anime, suivant en cela les directives de propagande du Parti Communiste.

Les lettres de jeunes filles figurant aux scellés reflètent bien cette mentalité qui, peu à peu, s’oriente vers l’extrémisme…

A l’égard de chacun des individus dont les agissements ont été reconnus nuisibles à la sécurité publique, je vous proposerai incessamment de prendre les mesures administratives qui s’imposent, outre des mesures judiciaires à intervenir ».

 

Ainsi donc ces jeunes militaires qui se battaient contre les armées hitlériennes étaient dangereux et nuisibles !

Ce document, aux affirmations sans fondements, montre bien l’état d’esprit des sphères gouvernementales de l’époque qui craignaient plus les communistes qui accomplissaient leur devoir de Français et de patriotes que les ambitions d’un Hitler.

Déjà en juillet 1939 l’instituteur Charles MONIER, mobilisé au 27ème RTA d’Avignon, avait purgé 45 jours de prison militaire dont 15 jours de cachot, uniquement pour être venu en aide, avec ses camarades, aux Républicains espagnols débarqués à la gare de La Croisière.

Entre le 25 et le 28 août 1939, Albert SARRAUT Ministre de l’intérieur du gouvernement DALADIER avait pris une série de décrets contre le Parti Communiste. Il se déchaîne contre les militants communistes. Ceux de Bollène, nous venons de le voir, ne sont pas épargnés. Ce même Albert SARRAUT, un an plus tard, votera les pleins pouvoir au maréchal PETAIN.

Un autre parlementaire, le député socialiste Albert SEROL, participe activement à la chasse aux communistes. Nommé ministre de la justice par Paul REYNAUD qui succède à DALADIER, il fait adopter le 8 avril 1940 un décret prévoyant la peine de mort pour « tout Français qui aura participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation »

C’est en application de ce décret que le député communiste Jean CATELAS et plusieurs autres Résistants furent condamnés à mort et guillotinés sous le gouvernement de Vichy.

N’est-ce pas cet anticommunisme virulent et cet état d’esprit de revanche du Front Populaire et des conquêtes sociales de juin 1936 qui sont les raisons profondes de la défaite française de mai-juin 1940 ?

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La "montée aux enfers"

Le 10 mai 1940, à l'aube, l'armée allemande déclenche une offensive de grande envergure. Après avoir occupé les Pays Bas et la Belgique, les panzers hitlériens déferlent sur la France, contournent la ligne Maginot et foncent sur Paris.

L'armée française est submergée. En quelques semaines, tout notre système de défense s'effondre. Le 14 juin, les allemands sont à Paris. Le gouvernement Paul REYNAUD s'est replié à Bordeaux, refusant d'organiser la défense de la capitale et rejetant une proposition du Parti communiste: "Libérer les militants communistes et les dizaines de milliers de français emprisonnés ou internés. Arrêter immédiatement les agents de l'ennemi qui grouillent dans les ministères et jusqu'à l'Etat Major. Armer le peuple et faire de Paris une citadelle inexpugnable".

La confusion la plus totale règne. Les populations du Nord fuient devant l'avance des armées nazies. C'est l'exode.

 

Sur ces évènements, voici le témoignage de Charles MONIER, extrait de ses archives personnelles.

"Le 10 mai, je suis en permission depuis 3 jours chez ma mère à Bollène La Croisière. Le même jour, je reçois un télégramme m'enjoignant de rejoindre mon régiment que j'avais laissé au repos à FAVEROLLES. Le lendemain je prends le train en gare de La Croisière, bien résolu à me battre contre l'envahisseur hitlérien, malgré l'émotion qui m'étreint.

Je ne sais pas encore, mais c'est vraiment vers "l'enfer" que je pars. On ne peut pas oublier même au bout de 60 ans!

Le train est bourré de soldats de toutes armes, rappelés comme moi. Il avance lentement souvent remisé sur une voie de garage.

Jusqu'à Lyon tout se passe bien. Mais plus loin, plusieurs attaques des stukas allemands qui mitraillent le convoi et sèment la panique. Le train stoppe. Les wagons se vident. On se jette à plat ventre dans les champs. L'alerte passée, le train repart sans se soucier s'il y a des morts et des blessés. A Vitry le François, violent bombardement. La ville est en feu. Vision apocalyptique! Les habitants s'enfuient épouvantés. Aucune défense anti-aérienne. Aucun avion français dans le ciel. La Lutwaffe est maîtresse des airs. Et ainsi jusqu'à Epernay. Là, tout le monde descend. On ne peut pas aller plus loin.

un commandant et un capitaine regroupent les soldats sur une place. Des autocars arrivent. On commence à grimper et à s'installer. Tout à coup, les sirènes hurlent. Juste le temps de se jeter à plat ventre derrière les arbres. Les stukas surgissent. Les bombes pleuvent sur la ville. Tout près de nous une église est touchée et s'effondre dans un nuage de poussière. Le commandant se relève et part en courant. Je ne l'ai jamais revu.

Que faire? C'est une pagaïe inouïe! Tous les officiers ont disparu. Nous décidons, tout un groupe de soldats, de nous diriger à pied vers REIMS pour essayer de retrouver nos régiments qui d'après certains renseignements se trouveraient par là.

(A ce moment là j'ignorais totalement que le 27ème R.T.A. avait déjà été complètement décimé)

Nous arrivons sur les bords de la Marne. Tous les ponts sont détruits, sauf un près de REIMS. Nous allons donc dans cette direction. En arrivant au pont, nous apprenons par des soldats qui se replient que les Panzers allemands approchent et viennent vers nous pour traverser la Marne. Un sergent regroupe les soldats présents et nous fait distribuer des fusils de la guerre 14-18, qu'il a déniché je ne sais où, avec quelques cartouches.

Que faire?

Nous n'avons pas de canon antichar. Seulement une mitrailleuse et quelques fusils.

Nous avons avec nous des artificiers du génie qui détiennent des explosifs.

En accord avec le sergent, ils décident de faire sauter le pont en vue de ralentir l'avance allemande.

Ils se mettent au travail, quand tout à coup surgit un capitaine français. S'adressant au sergent:

"Que faites vous là?

- Nous allons faire sauter le pont.

- Je vous l'interdis.

- Mais mon capitaine, les chars allemands arrivent.

- dressez un barrage avec des charrettes et des ballots de paille et mettez la mitrailleuse en batterie. Si vous n'obéissez pas je vous brûle la cervelle"

Joignant le geste à la parole, il sort son revolver.

Nous dressons donc le barrage avec tout ce que nous pouvons trouver et nous nous mettons en position, la gorge serrée, sachant bien que ce n'est pas avec cela que nous allons arrêter les tanks allemands.

Les heures passent. Quelques officiers français traversent le pont en voitures, mais ne s'arrêtent pas. Puis ce sont des soldats qui arrivent en courant et en hurlant:

"Sauve qui peut. Nous sommes trahis! Les boches sont là!"

Effectivement on entend dans le lointain des coups de feu. Le capitaine a disparu. Le sergent est toujours avec nous. Tout à coup nous apercevons sur l'autre rive un tank allemand qui avance lentement. C'est alors la panique et la débandade. Tout le monde se sauve en courant. Nous n'attendons pas de voir si les ballots de paille arrêtent les chars allemands."

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Y a-t-il eu trahison?

Que penser de l'attitude de cet officier français?

Etait-ce vraiment un officier français ou un allemand camouflé sous l'uniforme français?

On trouve peut être l'explication de son attitude bizarre dans le témoignage du colonel GROUSARD, chef d'Etat Major sous les ordres du général DENTZ condamné à mort à la Libération pour avoir fait tirer sur les Forces Françaises Libres entrant en Syrie.

Que dit le colonel GROUSSARD?

"Les corps d'armée avaient reçu l'ordre du G.Q.G. (Grand Quartier Général) de faire sauter tous les ponts de la Marne et de la Seine, en amont du confluent des deux cours d'eau. Mais on avait oublié que la destruction de certains d'entre ces ponts eut entraîné la rupture des canalisations électriques ou d'adduction d'eau… Aussi, en accord avec le général DENTZ, pris-je le parti d'entrer en contact avec les commandants d'unités chargés de ces opérations et leur soulignais la gravité des catastrophes qu'ils allaient occasionner. Heureusement beaucoup de chefs se rangèrent d'eux mêmes à nos avis. Et au matin du 14, les destructions qui eussent été désastreuses, furent ainsi évitées de justesse."

On peut se demander tout de même si les arguments du colonel GROUSSARD rapportés par l'historien Michel CUNY dans un de ses livres, correspondent bien à la motivation profonde ayant abouti à la non destruction de certains ponts. Ou ne s'agit-il pas d'un acte délibéré de trahison. Il y a effectivement désobéissance devant l'ennemi aux ordres émanant du G.Q.G. Donc acte de trahison.

Il est clair que pour les forces d'invasion allemandes la non destruction de certains ponts était une aubaine.

Ces soldats qui s'enfuyaient en hurlant " nous sommes trahis" avaient-ils donc raison?

Certains affirment aujourd'hui que l'existence d'une "cinquième colonne" au service des nazis était un mythe. Et pourtant tout au long de la "drôle de guerre" l'idée de "trahison" était dans la tête des combattants du front qui ne manquaient pas de faire la liaison entre ce qu'ils pouvaient constater et les déclarations de ceux qui avant le déclenchement du conflit ne se gênaient pas pour dire "plutôt Hitler que le Front Populaire".

 

Dans ses archives personnelles le soldat Charles MONIER écrit au moment où son régiment rejoint le front sur la frontière sarroise:

"Dans ma tête beaucoup de questions se bousculaient. Pourquoi cette marche éreintante de 290kms pour monter au front, dans le froid, sous la pluie? Il n'y avait donc plus de trains ou de camions en France?

Au cours de notre marche de nuit sur les crêtes qui dominent BRIEY, j'ai pu constater que tout le bassin industriel était illuminé, alors qu'ailleurs c'était le noir absolu. Quelle belle cible pour l'aviation allemande? Pourtant il ne fut jamais bombardé. Pourquoi?

Une partie de l'acier de BRIEY ne partait-il pas tranquillement chez Hitler?

La veille de notre relève des premières lignes sur la frontière de la Sarre, c'est la radio allemande qui nous l'annonça en français, donnant dans le détail les numéros des régiments relevés et ceux qui nous remplaçaient. Toute la nuit l'artillerie allemande pilonna le secteur, terminant notre séjour en première ligne par son lot de morts et de blessés.

L'ennemi était bien renseigné. Il y avait donc des agents allemands à l'Etat Major français.

Que de mensonges! Que de trahisons!

Je le sentais vaguement, douloureusement! Je ne pouvais y croire. Ce n'est que bien plus tard que tout s'éclaira quand les historiens appelèrent cette période "La drôle de guerre".

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La tragédie de la débâcle et de l'exode.

 

Ce fut sans doute la période la plus cruelle, la plus tragique de la fin de cette "drôle de guerre".

Nous faisons encore appel aux archives personnelles de Charles MONIER.

"Après avoir abandonné l'idée folle de défendre le pont sur la Marne, nous fuyons le plus vite possible. Au milieu de cette tragédie où le moral est au plus bas, je retrouve avec joie un jeune paysan de LAPALUD, Paul VINCENT, lui aussi soldat de l'armée française en pleine débâcle. Nous n'allons plus nous quitter. Nous marchons sans savoir où nous allons. Nous marchons, nous marchons sans arrêt. Mes chaussures rendent l'âme. Heureusement j'en trouve une paire dans un fossé. De pointures différentes, mais qu'importe. Nous marchons. Avec nous des soldats de toutes armes: des tirailleurs, des chasseurs alpins, des artilleurs, des gens du génie et même des matelots. Mais pas un officier pour nous renseigner et nous guider. Bientôt à cette cohue en pleine débandade, se joignent des civils, femmes enfants, vieillards qui fuient eux aussi. C'est l'exode de toute une population terrifiée, par tous les moyens possibles; à pied, en bicyclettes, en charrettes, en automobiles. Chacun emportant ce qu'il peut: vêtements, souvenirs, ustensiles. Parfois quelques animaux domestiques. Un long ruban mouvant, morne, silencieux, ondule lentement sur des kilomètres de route.

De temps en temps les terribles stukas, équipés de sirènes terrifiantes, surviennent et en rase motte mitraillent ces pauvres gens. C'est l'horreur. Au silence succède une immense clameur; des cris déchirants. Des appels. Des enfants affolés qui courent sous la mitraille. On se jette à plat ventre dans le fossé, pèle mêle. Encore une fois, pas un seul avion français n'intervient. Où sont-ils donc? C'est la question que tout le monde se pose. Quelquefois des avions canadiens ou anglais apparaissent et prennent en chasse les avions allemands.

L'alerte passée, tout le monde se relève et repart le plus vite possible sans se soucier des autres.

C'est vraiment affreux ces visages défigurés par la peur, ces cris déchirants, ces enfants qui appellent leur maman. Beaucoup ne se relèvent pas. Pour eux c'est fini. Avec Paul nous décidons de quitter la grande route et d'emprunter des chemins de campagne moins visés par l'aviation. La nuit nous dormons dans des fermes. Des paysans nous donnent à manger. Nous arrivons dans une gare. Un train est en formation pour emmener les soldats en débandade qui ne forment plus qu'un immense troupeau, sans chef et souvent sans arme.

Sur une voie de garage un train complet de tanks français. Que font-ils là, alors qu'ils manquent cruellement sur le terrain?

Les allemands qui vont bientôt arriver n'auront plus qu'à en prendre livraison.

Des heures d'attente, angoissantes. Enfin le train démarre.

Le bruit court que nous allons à Bordeaux où le gouvernement s'est replié après avoir déclaré Paris ville ouverte. Autrement dit, Paris sera livré aux allemands sans combat.

Le train avance lentement. A chaque grande gare le ravitaillement est assuré par la Croix Rouge. Ces dames dévouées essaient de nous sourire et de nous réconforter. Mais on sent bien que le cœur n'y est pas. La tragédie défile sous leurs yeux.

Nous filons vers le sud. Certains disent que nous allons en Afrique du Nord pour reconstituer l'armée française. Mais ce ne sont que des rumeurs.

Tours, Poitiers, Limoges… Nous roulons depuis deux jours. Pas d'attaques aériennes. Mais partout l'angoisse, le désarroi, une pagaille indescriptible.

Où allons nous? Personne ne le sait vraiment. Je commence à en avoir assez de ce voyage fou! Pas d'informations sur la situation, sur l'avance des armées ennemies. C'est affolant. Je dis à Paul:

"Si tu es d'accord, au prochain arrêt nous descendons et nous rejoignons notre caserne à Avignon. Au passage nous rassurerons nos parents.

- D'accord."

Nous arrivons ainsi à PERIGUEUX. Nous exécutons notre plan. Après bien des tribulations, en passant par LYON, nous voici à AVIGNON.

Je craignais que l'on nous prenne pour des déserteurs. Mais durant tout le parcours, pas un seul officier, pas un seul gendarme nous demanda ce que nous faisions, où nous allions. On se contente de nous regarder curieusement. On se croirait sur une planète morte.

Début juin nous voilà à la caserne CHABRAN du 27ème tirailleurs, à AVIGNON.

J'apprends que le régiment a été pratiquement anéanti près de la frontière Belge. Il s'est heurté à un Panzer? Des fusils et des mitrailleuses contre des tanks! Le combat fut bref. Notre commandant de bataillon, vieil officier patriote s'est fait tuer à la tête de ses hommes.

Ce n'est que bien plus tard que j'appris la mort de mon meilleur camarade Roland BISCARRAT, de L'ISLE SUR SORGUES. Après mon départ en permission, il me remplaça comme premier mitrailleur et il fut tué auprès de sa pièce. Les autres furent prisonniers."

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Les dernières heures de la défaite.

A Avignon, la vie de caserne reprend comme si rien de dramatique ne se passait.

On reconstitue un bataillon hétéroclite pour l'envoyer au devant des allemands qui approchent de Grenoble. Je me porte volontaire. Mais la constitution de ce bataillon traîne en longueur, je ne sais pourquoi.

Nouvelle surprise: je veux me battre contre l'envahisseur, on m'envoie, avec d'autres, aider les paysans d'EYRAGUES à cueillir les cerises. Je me retrouve dans une famille de braves gens, M. JOUVE, dont le fils et les gendres sont mobilisés. Je dors dans la chambre du fils. Je suis choyé. Je raconte ce que j'ai vu. Ces braves gens sont consternés et angoissés. Je passe une semaine en famille, oubliant les horreurs de cette guerre.

Retour à la caserne. L'atmosphère est bizarre, tendue. La bataille de VOREPPE près de GRENOBLE fait rage. Des unités françaises tentent désespérément de stopper le déferlement des armées hitlériennes. Nous devons partir là-bas en renfort. Enfin c'est le départ en camion. Nous traversons AVIGNON. Nous roulons un moment. Puis brusquement arrêt. Ordre de descendre. Nous nous trouvons à CHATEAUBLANC à 10 Kms d'AVIGNON. Ahuris, nous ne comprenons pas. Ordre de mettre la mitrailleuse en position de défense anti-aérienne et de creuser tout autour de profondes tranchées qui vont rapidement se remplir d'eau car de violents orages sévissent dans la région. Notre groupe couche dans la salle d'un restaurant voisin.

On nous explique enfin notre mission: empêcher les avions allemands d'atterrir sur cet aérodrome. En fait nous n'avons pas eu à intervenir. Le maréchal PETAIN venait de lancer l'ordre de cesser les combats et le 22 juin 1940, il signait dans "l'honneur" l'armistice ou plutôt une incroyable capitulation.

Ainsi se termine pour moi cette "drôle de guerre" à patauger peu glorieusement dans une tranchée boueuse de CHATEAUBLANC.

La défaite est dure à avaler. A la fois un lâche soulagement et un goût amer de la trahison.

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En attente de la démobilisation.

Quelques jours après la signature de l'armistice notre section quitte l'aérodrome de CHATEAUBLANC et nous allons prendre position, avec la mitrailleuse, au sud de VILLENEUVE LES AVIGNON, sur une crête dominant le Rhône. Pourquoi? Je l'ignore. Nous ne faisons strictement rien, à part la nuit les gardes à assurer.

Le jour, allongé au milieu des géraniums sauvages, je rêvasse et réfléchis, en admirant au loin AVIGNON et son majestueux Palais des Papes. Les heures tragiques que je viens de vivre reviennent constamment dans ma tête.

Nous avons la chance d'être dans la zone baptisée "libre".

Mais serons nous vraiment libres ? Quel avenir pour notre peuple ? Certainement des moments très durs. Plus de la moitié de la France sous la botte hitlérienne !

Je ne peux supporter la voix chevrotante de ce vieux maréchal qui fait « don de sa personne à la France ». Je n’ai plus qu’une hâte : rentrer à la maison et retrouver ma mère.

Enfin le 28 juillet 1940, je suis démobilisé. Je reviens heureux à Bollène. Et pourtant quelque chose s ‘est brisé en moi. Je me sens fatigué et vieilli. »

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Des unités polonaises à Bollène.

En février 1940 après l’écrasement de la Pologne par les armées hitlériennes, des unités de l’armée polonaise vinrent s’installer à Bollène et dans le nord Vaucluse. Elles dépendaient du général MACZEK. Son Etat Major s’installa dans la maison située près du vieux pont qui abrita le grand savant PASTEUR lors de son séjour à Bollène. Une brigade était logée au couvent rue du Saint Sacrement.

Des unités de chars d‘assaut séjournèrent à SAINTE CECILE LES VIGNE, à LAGARDE PAREOL et à CAIRANNE. Un centre d’instruction de chars d’assaut fut mis sur pied à SERIGNAN du COMTAT avec une école pour les élèves officiers au Château de SAINT ESTEVE. Des unités de cavalerie motorisées s’installèrent à Bollène , MONDRAGON, et MORNAS et l’artillerie motorisée à LAPALUD.

D’après le général MACZEK, la population Bollénoise réserva un bon accueil à ces soldats polonais qui avaient tenté, mais en vain, d’arrêter l’invasion hitlérienne de leur pays.

(références : renseignements fournis par M. ROYE READER et transmis par l’office de tourisme de Bollène.)

Combien de temps ces unités polonaises restèrent-elles à Bollène ? Nous n’avons pu le savoir. Cependant un rapport de police fait état de l’arrestation le 26 août 1942 de 9 juifs polonais, transférés au camp des MILLES dans les Bouches du Rhône. On peut penser qu’il s’agit de militaires de ces unités polonaises venues à Bollène en février 1940. Les nazis poursuivant ainsi, jusque sur notre sol, l’extermination des juifs polonais.

 

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