2ème partie
Les Bollénois
et le régime de VICHY.
Les Bollénois et le régime de Vichy
La "Révolution nationale" de Pétain ? Parlons-en!
Premières mesures antidémocratiques
Création de la Légion Française des Combattants
Vichy un État policier et fasciste
Les communistes et les suspects "fichés" et étroitement surveillés
Le "pressentiment" du commissaire de police
Mouchardage et dénonciations anonymes
La police de Vichy se méfie des agriculteurs bollénois
Les collaborateurs n’ont jamais été légion
Premiers pas dans la résistance
Quel était le sens de leur action ?
Le noyautage des syndicats de Vichy
1941 La Résistance s’organise et agit
Le tirage des tracts clandestins
L’écoute des radios étrangères, véritable soutien moral aux Résistants
La police de Vichy recherche et traque les Résistants
1941 Premières mesures répressives
Permis de chasse retiré aux communistes
Assassinat d’un dirigeant socialiste
Autres chemins de la Résistance
Création du Front National pour la Libération et l’Indépendance de la France
Pierre Laval, il n’y a pas de pardon
La défaite de nos armée en quelques semaines, est à peine croyable pour les Bollénois qui n’ont pas vécu les combats et l’exode. Ils ne comprennent pas les raisons d’un tel désastre.
Ils ont présent à leur mémoire les slogans diffusés chaque jour par la radio : « L’acier victorieux », « La route du fer coupée pour les allemands », « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » etc…
Les premiers démobilisés arrivent, ainsi que des réfugiés de Paris et du Nord. Ils racontent ce qu’ils ont vu. De nombreux jeunes Bollénois ne reviennent pas, prisonniers dans les Stalags en Allemagne. Angoisse pour les femmes, les parents, les familles. Toute la ville est consternée, traumatisée. Une atmosphère de deuil plane. La grande majorité se résigne et fait confiance au maréchal PETAIN, considéré comme le seul pouvant sauver la France. Une petite minorité n’accepte pas la défaite et la trahison de certains chefs. Les communistes et les radicaux socialistes sont de ceux-là.
Quels regards les habitants de Bollène et du canton portent-ils sur le régime de VICHY qui se met en place ?
Pour y répondre, nous ferons souvent référence à des rapports du commissaire de police de Bollène , des renseignements généraux et de la gendarmerie que nous avons pu consulter aux archives du département de Vaucluse. On ne trouvera dans ce livre que des faits authentiques, contrôlés, rassemblés après de longues recherches.
Le 10 juillet 1940 le parlement français réuni à VICHY accorde les pleins pouvoirs au maréchal PETAIN pour promulguer une nouvelle constitution de l’Etat Français, par 569 voix. 80 députés seulement auront le courage de voter contre. Les députés communistes déchus de leur mandat ne peuvent participer au vote. La République a vécu.
Le 26 novembre 1940, dans un rapport au préfet, le commissaire de police de Bollène écrit : « La population saine, honnête, manifeste son approbation à l’égard des dirigeants… La majeure partie des ouvriers était membre du parti communiste ou sympathisants. Un grand nombre d’entre eux sont revenus à de meilleurs sentiments, à des idées plus saines… Calme complet ». Un mois plus tard, le 26 décembre, même appréciation : « La population manifeste son approbation vis à vis des dirigeants, à l’égard de l’œuvre entreprise et relativement au maréchal PETAIN… Cette approbation se manifeste dans toutes les classes de la population. »
Dans son rapport du 27 janvier 1941, le même commissaire laisse percer une certaine inquiétude : « La grande majorité de la population approuve les réformes introduites par le maréchal PETAIN… Cependant, une minorité serait contre ces réformes, en particulier les partisans du Front Populaire… Actuellement le parti communiste ne manifeste aucune réaction, cependant la cohésion du parti existe. Ils sont méfiants et très prudents. »
Le préfet du Vaucluse dans une lettre au ministre de l’intérieur le 4 janvier 1941 manifeste également son inquiétude :
« L’arrivée d’un fort contingent d’Alsaciens Lorrains (notamment à Bollène), refoulés de leur pays par les autorités d’occupation n’est pas de nature à augmenter le nombre des partisans d’un rapprochement franco-allemand… Les récits des exactions dont ils ont été victimes, provoquent l’indignation… »
(Source : A.D. Vaucluse)
Si au cours des mois qui ont suivi la défaite, la population Bollénoise semble accepter la suppression de la République, et la création de l’Etat Français, paré du titre de « révolution nationale » elle va rapidement, dans sa majorité, se ressaisir. Le passé politique et de luttes sociales de la commune est toujours vivace dans les esprits et ne va pas tarder à modifier les comportements. D’autant plus que la poignée de mains à MONTOIRE le 24 octobre 1940 entre le vieux maréchal, chef de l’Etat Français et HITLER scellant la collaboration avec l’Allemagne Hitlérienne va ouvrir bien des yeux et faire disparaître nombre d’illusions propagées par une campagne de radio et de presse bien orchestrée.
Le commissaire de police dans son rapport mensuel au préfet du 28 mai 1941 (donc avant l’entrée en guerre de l’URSS et des Etats Unis d’Amérique) le reconnaît en ces termes :
« Les farouches adversaires de la collaboration sont fournis d’abord par les réfugiés, expulsés d’Alsace et de Lorraine, par de nombreux anciens combattants, par la presque totalité des ouvriers d’usine et la majorité des employés et des fonctionnaires…
50% de la population est favorable à l’amélioration des rapports franco allemands, ce qui est un maximum dans une localité, où communistes et bon nombre de radicaux manifestent de l’hostilité.
(Source : A.D. Vaucluse dossier 3W17)
Voir document: La poignée de main de Montoire
La « révolution nationale » de PETAIN ? Parlons en !
Premières mesures antidémocratiques.
Dés son arrivée au pouvoir, PETAIN donne l’ordre au Préfet du Vaucluse de mettre en place à Bollène un nouveau conseil municipal. Celui-ci garde quelques anciens conseillers élus avant la guerre, déclare déchus de leur mandat ceux qui sont suspectés d’attachement à la République et les remplace par des hommes et des femmes ayant la confiance du nouveau régime. Plusieurs industriels sont désignés pour administrer les affaires de la commune. L’un d’eux devient délégué à la propagande du maréchal et un autre est nommé premier adjoint. Le 9 mars 1941, la nouvelle équipe est mise en place . Monsieur Marius CUILLERAI élu en octobre 1938 à la faveur d’élections partielles est maintenu à son poste de maire.
Sont éliminés : (En plus des 5 élus communistes et sympathisants déjà révoqués par le gouvernement DALADIER) M. M. FAQUIN Camille, JACOMET Félix, BIGNAN Louis, CULEIRIER Eugène.
Avec M. Marius CUILLERAI on trouve M. M. PHILY Désiré, GACHET Eugène, MATHIEU Lucien, BRUNEL Hyacinthe, MAYAN Célestin, GACHET Marcel, VILLE Albert, TERROT Fernand, FARJON Victor, LABAUME Raoul, ABRIC Louis, MOULET Henri, Mlle DALAUZIER DE RIPERT, M.M. FOURNIER Marius, DU CHAFFAUT Amauric, CLAUZEL Henri, TOURTIN Louis, et ROURRISSOL René.
(Source : A.D. Vaucluse dossier 16W170)
Le conseil municipal désigné se contenta d’administrer la commune selon les directives du gouvernement, sans zèle intempestif, ni dénonciation de résistant.
A la Libération, ses membres furent remplacés par une délégation désignée par le comité local de Libération, mais ne furent pas inquiétés.
Création de la Légion Française des Combattants.
Le gouvernement de VICHY est à la recherche d’une base populaire sur laquelle il pense pouvoir s ‘appuyer. En mars 1941, il va créer dans chaque ville et village, la Légion Française des Combattants.
Les archives départementales, dossier 4W3311, donnent des renseignements sur les effectifs dans le canton :
BOLLENE |
215 adhérents |
Président : Commandant PALMIER |
LAPALUD |
63 adhérents |
Président : DURAND Louis (hôtelier) |
MONDRAGON |
52 adhérents |
Président THOUMELON Isidore (capitaine en retraite) |
MORNAS |
89 adhérents |
Président LALLEMAND (capitaine) |
SAINTE CECILE LES VIGNE |
100 Adhérents |
Président FARJON (propriétaire) |
Le commissaire de police dans son rapport du 18 mai 1941 décrit en ces termes la cérémonie de la prestation de serment par les légionnaires de la commune de Bollène :
« Une nombreuse assistance était présente…les écoles laïques et privées, les sociétés locales, l’Harmonie bollénoise prêtait son concours…Le président P. …a passé ses pouvoirs à son successeur M.de B….
En résumé, et surtout étant donné le malaise qui plane sur Bollène et qui n’est pas prêt d’être dissipé, très belle manifestation patriotique, dont le succès a dépassé toutes les espérances… ». Mais il ajoute : « A cette réunion les adhérents du Parti communiste ne se sont pas présentés. Pas un seul d’entre eux n’y assistait… »
(Source : A.D. Vaucluse 3W17)
VICHY : un Etat policier et fasciste
Le régime de Vichy se met en place. La presse d’opposition est interdite. Le Maréchal PETAIN déclenche une intense campagne de propagande par presse et radio, pour faire accepter le nouveau régime, véritable état policier et fasciste.
L’effigie du « chef » remplace la Marianne à l’hôtel de ville et apparaît dans tous les bâtiments publics. La « francisque « devient l’emblème de PETAIN et le signe de reconnaissance de tous les collaborateurs . Dans toutes les écoles, à BOLLENE comme en France, on fait chanter : « Maréchal nous voilà, tu nous as redonné l’espérance… »
La base essentielle de soutien populaire est la création dans chaque commune de la « Légion Française des Combattants ». Tout un système de mouchardage et de surveillance du courrier postal se met en place. La délation sévit dans tous les milieux.
L’organisation du mouchardage, tel qu’il existe dans l’Allemagne nazie, est la base du régime de « Rénovation morale » que Vichy veut instaurer.
Le 14 octobre 1940 une commission de contrôle postal est installée à Avignon.
Les archives départementales donnent les résultats du travail de cette commission.
A titre d’exemple :
Semaine du 7 au 13 octobre 1940 :
Nombre de lettres lues : 448
Très mauvais esprit : 14,3%
Indifférence : 26,5%
Bon moral : 59,2%
Activité technique de la commission du 21 au 31 octobre 1940 :
Lettres manipulées : 57200
Lettres lues : 8117
Lettres recommandées lues : 225
Lettres saisies : 8
Conclusion de la commission sur les résultats obtenus :
« La surveillance du courrier des suspects, ainsi que celui des personnes signalées comme ayant eu une ancienne politique extrémiste, n’a pas donné de résultats dignes d’être signalés…
Peu de lettres de la part des personnes surveillées qui semblent se méfier…
Les partisans d’une victoire anglaise sont toujours aussi nombreux. Le moral dans l’armée ne s ‘améliore pas, il est mauvais. Toutes les lettres contrôlées témoignent d’un dégoût du métier militaire… »
Non seulement le courrier était étroitement surveillé, mais la correspondance entre une personne domiciliée en zone occupée et une personne habitant en zone dite « libre » ne pouvait se faire que par une carte d’ordre strictement familial. Voici une de ces cartes adressée le 6 mai 1941 de Paris à Bollène.
Les communistes et les suspects « fichés » et étroitement surveillés.
Déjà la pratique du « fichage » et de l’établissement de « notices individuelles » se faisait sous les gouvernement DALADIER et Paul REYNAUD durant la « Drôle de guerre ». Le gouvernement de Vichy continue et amplifie . Toutes les « fiches » sont conservées au commissariat spécial d’Avignon. Par la suite ces renseignements furent utilisés par la police de Vichy et la Gestapo.
Voici un exemple de notice individuelle concernant Mme MONIER Marie :
Voici d’autres « fiches » concernant des habitants du canton de Bollène conservées aux archives départementales (Dossier 1M826)
RAMIERE Charles de Bollène
Moralité bonne, militant très actif, conseiller municipal communiste, dirige activement un groupe communiste à la Croisière. Influence considérable parmi les jeunes.
DELARQUE Léon de Mondragon
Ex militant communiste notoire. A été interné dans un camp surveillé le 21 mai 1940. Inscrit au carnet B.
MONIER Charles de Bollène
Instituteur. Militant communiste très actif. Prend souvent la parole . Se montre très agressif. Réunit souvent les jeunes gens à son domicile à la Croisière. Jouit d’une influence considérable parmi les jeunes. Excite les esprits à la violence. MONIER est inscrit communiste P.R. (présumé révolutionnaire)
SESTON Emile
Cultivateur à Lapalud, connu pour être avant guerre un fervent communiste.
CHARVOLIN Claudius
Domicilié à Bollène…militant communiste dangereux… se livre à une propagande extrémiste clandestine.
PEYRON Fernand
N’habite plus Bollène. Exerce sa profession à Bagnols / Cèze.
A Bollène PEYRON Fernand était le leader du Parti communiste, membre très influent, très écouté, n’a pas désarmé. Individu dangereux.
La police de Vichy dresse des listes de militants communistes ou de suspects soupçonnés de sympathie, notamment parmi le personnel de la SNCF. On trouve aux archives départementales pour le Vaucluse 92 noms et la liste ci-dessous pour le canton de Bollène à la date du 23/08/1941.
Préfecture du Vaucluse
23/08/1941
Liste du personnel de la SNCF domicilié dans le Vaucluse, soupçonné d’être resté effectivement attaché au Parti Communiste.
On y trouve 92 noms et notamment 10 agents du canton de Bollène :
ARMAND Louis Facteur, gare de Bollène
BERTRAND louis Facteur, gare de Bollène
BELLIER Jullien Brigadier, gare de Bollène
VERGNE Louis Conducteur, gare de Bollène
SOULIER Marius Garde signaux, gare de Bollène
BARAILLER Faustin Commis, gare de Bollène
LAFARE Eugène Garde signaux, gare de Bollène
BOULADIER Fernand Détaché à la gare de Pierrelatte
BOUTEILLE Ernest Employé, gare de Mondragon
HIELY Roger Cantonnier, gare de Mornas
Ce personnel est activement surveillé par la police.
(Source A.D ; Vaucluse, rapport de police)
Le 7 août 1942, le commissaire spécial d’Avignon fait parvenir au préfet une liste des adhérents au Parti communiste du Vaucluse à la veille de la guerre. Voici la liste concernant le canton de Bollène. Les anciens chefs de cellule sont soulignés.
Bollène
BISCARRAT Jean
FERRONI Jean
BRUNEL Louis
BARAILLER Faustin, employé SNCF
ARMAND Louis, employé SNCF
VERGNE Louis, employé SNCF
LAFARE Eugène, employé SNCF
RAFFIN Joseph
Lapalud
JOLLIVET René
DESSUS Marius
FABROL Edmond
THOMAS Désiré
Mondragon
RIQUE Marius
SABATIER Léon
TALAMOND Léon
AGUIE Marcel
MARCELLIN Gustave
Mornas
BARNE Adrien
BROC Louis
BRUN Joseph
Ste Cécile les Vigne
LAMBERT Paul
ROUMEGOUX Ernest
CHABERT Paul
GUION Albert
VALLEE Gustave
COLLET Maurice
(Source A.D ; Vaucluse, 1M826)
A noter que cette liste ne signale pas tous les communistes du canton notamment ceux de Bollène et du hameau de la Croisière. Ils étaient environ une trentaine. D’autre part certains comme BARAILLER Faustin et VERGNE Louis n’étaient pas membres du Parti communiste. La liste a du être dressée par le commissaire de police de Bollène ou un « mouchard » pétainiste.
Le « pressentiment » du commissaire de police
Le 4 octobre 1940, le commissaire de police de Bollène adresse au préfet un rapport déclarant notamment :
« …Les membres du Parti extrémiste, malgré la dissolution, continuent à entretenir l’idée de Parti et à maintenir leur cohésion. Ils se fréquentent et persévèrent malgré les rigueurs des lois.
Au hameau de la Croisière, ils fréquentent moins le café de Mme MONIER, ne se croyant pas en toute sécurité depuis les dernières perquisitions opérées chez cette dame. Ils se réunissent actuellement par petits groupes, chez le nommé VERGNE, épicier.
D’autre part, après une enquête discrète , j’ai appris que le nommé MONIER Charles, instituteur suspendu, pour menées communistes avait adressé un mandat de 50 francs à un nommé R…matelot imprimeur à St MANDRIER, Toulon.
Quelques jours après, le nommé Louis DUGAS, communiste enragé, a adressé également un mandat de 25 francs au même destinataire. Les deux envoyeurs faisaient partie de la cellule communiste du hameau de la Croisière. A mon avis, il serait urgent de faire des recherches car j’ai le pressentiments que le matelot R…imprime des tracts pour le compte du Parti communiste dissous. »
(Source A.D ; Vaucluse, dossier4W9481)
Ce rapport fantaisiste, sans fondement sérieux, d’un policier aveuglé par les campagnes anticommunistes de l’époque a eu de graves conséquences.
M.VERGNE n’était pas communiste. Affirmer que les communistes du hameau se réunissaient chez lui était un pur mensonge. Mais à partir de ce jour, il connut toutes les tracasseries réservées aux communistes : inscription sur la liste S (suspects), étroitement surveillé par la police vichyste, perquisition à son domicile, retrait du permis de chasse etc.…
Quant au matelot R…les mandats dont il est question lui ont été envoyés par des membres de sa famille à l’occasion de son anniversaire. Il reçut à Toulon la visite d’un commissaire divisionnaire de police spéciale, avec perquisition dans son paquetage et interrogatoire.
Dans son rapport le policier est obligé de conclure : » En résumé, il apparaît que le matelot R… n’est pas communiste ni même sympathisant. »
Combien de Français et de Françaises ont-ils été ainsi victimes d’une répression aveugle sur simple dénonciation anonyme ou rapport d’un policier zélé.
Surveillance et perquisitions.
Perquisitions le 1er décembre 1940 chez M. Albert PEYRON commerçant rue de la Paix Bollène et chez M. Louis VERGNE agent SNCF à La Croisière.
Le 2 octobre 1942 : chez M. Albert MILLET cultivateur quartier La Croisière, en collaboration avec la 9ème brigade de police judiciaire.
Motif : soupçonnés de menées antinationales.
(Rapport du commissaire de police de Bollène. A.D. Vaucluse.)
Rapport des renseignements généraux au Préfet en date du 18 janvier 1943 sur l ‘activité communiste à Ste Cécile Les Vignes :
« Le nommé Paul CHABERT est bien connu à Ste Cécile comme communiste notoire. Il figure d’ailleurs à nos archives en qualité de secrétaire de la cellule communiste. Paul CHABERT est soumis depuis longtemps à une étroite surveillance par la brigade de gendarmerie. Celle-ci qui a été plusieurs fois informée que des réunions se tiendraient chez l’intéressé, a effectué souvent des surveillances de nuit à proximité de son domicile, mais n ‘a jamais rien remarqué d’anormal. »
Le commissaire de police signale le 21 septembre 1942 une distribution de tracts à tendance communiste et gaulliste à LAPALUD. Ces tracts invitaient la population à manifester à l’occasion du 150ème anniversaire de la bataille de VALMY. En conséquence, surveillance accrue des départs de cars et de trains en direction d’Avignon. Interpellations sur la voie publique et contrôle des débits de boisson.
(Source A.D. Vaucluse)
Enquête dans la commune de MONDRAGON le 4 octobre 1940 sur l’activité déployée par certains membres de l’ex Parti communiste :
« BEAUMET Julien était sympathisant communiste. Membre du conseil municipal récemment suspendu. N’a joué qu’un rôle effacé au point de vue politique.
TALAMON Léon, ex militant du Parti communiste, frère de TALAMON Urbain ex conseiller municipal, déchu de son mandat.
GENDRIER Gratien, ouvrier vannier, était avant la guerre un communiste très actif.
GIRARD Jules, négociant en grains. Ex conseiller municipal, sympathisant communiste.
GRIGNAN Raoul, épicier. Ne s’est pas fait remarquer particulièrement au point de vue politique.
DELEUZE Raoul, vannier. Etait un militant communiste notoire.
DELARQUE Léon, ex militant communiste notoire, inscrit au carnet B, avait été interné dans un camp surveillé le 21 mars 1940.
SESTON Emile, cultivateur à LAPALUD, connu pour être avant guerre un fervent communiste.
Je me suis mis en relation à MONDRAGON, avec des personnes sûres qui sont disposées à surveiller les agissements des ex communistes et à me signaler leur activité… »
(Rapport du commissaire spécial au Préfet. A.D. Vaucluse 4W9481)
Mouchardage et dénonciations anonymes.
Le mouchardage était pratique courante. A Bollène on peut citer le facteur des P.T.T. A… membre de la milice. Il était bien placé, de par son métier, pour avoir connaissance du courrier reçu par telle ou telle famille suspecte. A la Libération, il fut arrêté, condamné à mort et fusillé.
Une lettre anonyme signée « un groupe de bons français » déclare : « Nous venons porter à votre connaissance des faits qui se passent (assez troublants) dans la banlieue de Bollène, au quartier de la gare… Ainsi dans la famille MONIER… la propagande communiste qui se fait là dedans est inouïe … Les bons français en sont écœurés et demandent que cela cesse au plus tôt… »
(Source A.D. Vaucluse)
Cette lettre anonyme provoqua une perquisition de la police, d’ailleurs sans résultat.
BEAUMET Julien, conseiller municipal de MONDRAGON est dénoncé par une lettre anonyme signée « un groupe de patriotes anciens combattants »
10 mars 1940 : carte anonyme au crayon transmise au commissaire de police : « je vous dénonce pour activité communiste M. Paul JOUBERT, domicilié à Bollène, ayant été pendant plus d’un an secrétaire du dit Parti »
11 novembre 1941 : Lettre anonyme concernant les frères DUMONT demeurant à Bollène, usine VALUY, qui feraient de la propagande communiste.
Cette lettre provoque une enquête du commissaire de police. Celui-ci déclare : « Rien ne paraît motiver les accusations dont les nommés DUMONT sont l’objet. Il semble que l’auteur de la lettre anonyme soit un nommé N… employé à l’usine VALUY qui a eu avec le ménage DUMONT un différent d’ordre locatif. »
(Ainsi des dénonciations prenaient souvent un caractère de vengeance et règlement de compte.)
Octobre 1942 : « Le dénommé PESENTI, employé municipal à Bollène a été condamné à l’audience du 7 octobre 1942 à un mois de prison avec sursis et 1200F d’amende pour audition de la radio anglaise » Il avait été dénoncé.
(Source A.D. Vaucluse 4W9480 et 9481)
Ce sont là quelques exemples parmi bien d’autres.
La police de VICHY se méfie des agriculteurs Bollénois.
Rapport du commissaire de police au Préfet en date du 23 avril 1941 :
« Je viens d’apprendre le projet d’établir à Bollène un camp de jeunesse. Son but serait d’aider les agriculteurs locaux.
Sans émettre un avis défavorable, je crois qu’il serait prudent de veiller, en cas de réalisation du projet, à la désignation de chefs énergiques et clairvoyants afin d’éviter que les jeunes compagnons soient influencés par une propagande sournoise que les anciens communistes de la localité ne manqueront pas de faire… Parmi les agriculteurs de Bollène, se trouvent en effet d’ex militants actifs du Parti communiste, capables de se livrer à une action néfaste auprès des jeunes collaborateurs qui seraient éventuellement affectés à leurs exploitations… »
(Source A.D. Vaucluse 4W3703)
Suite à ce rapport, le projet de camp de jeunesse ne verra pas le jour.
En 1940 et début 1941, la grande majorité de la population du canton fait confiance au maréchal PETAIN et se résigne. Au fil des événements bien des illusions vont s’envoler. L’entrée en guerre de l’URSS par l’invasion le 22 juin 1941 des armées hitlériennes et un peu plus tard des États Unis d’Amérique, vont redonner confiance. L’Angleterre n’est plus seule. D’autre part, l’action d’une poignée d’opposants et la diffusion de journaux et tracts clandestins ne seront pas étranger à l’évolution de l’opinion publique. La Légion Française des combattants forte de 215 adhérents à Bollène en mars 1941 va peu à peu péricliter. C’est ce que montrent les rapports mensuels du commissaire de police :
Le 24/11/1941 : « La Légion des combattants est assez active sous l’impulsion de son président M. de B… et du vice président M. CRUON »
Le 24/02/1942 : « La Légion perd chaque jour du terrain. Une soirée artistique organisée par la Légion n’a obtenu qu’un résultat presque insignifiant. A la conférence de M. MOREL d’Orange sur la charte du travail, 49 personnes seulement. Les ouvriers ne se sont pas déplacés. »
24/03/1942 : « D’une façon générale, j’ai l’impression très nette, que la situation est, au point de vue esprit de la population, beaucoup moins bonne que les mois précédents. »
1er septembre 1942 : « Seuls 11 légionnaires ont participé aux fêtes du 2ème anniversaire de la Légion. Les dirigeants locaux ne dissimulent pas leur mécontentement. »
23 août 1942 : A la manifestation organisée par la Légion « l’absence des trois quarts des légionnaires a été remarquée. »
24 novembre 1942 : « Légion Française des combattants : aucune activité. Quelques nouvelles démissions… »
17 janvier 1943: « Réunion d’information de la section locale de la Légion des combattants : assistance très restreinte. Auditoire tiède. »
24 mars 1943 : « Légion Française des combattants : activité réduite. Seuls six Bollénois font à l’heure actuelle partie des S.O.L. (Service d’Ordre Légionnaire)
29 août 1943 : « Les fêtes organisées par la section locale de la Légion des Combattants n’ont obtenu aucun succès et se sont déroulées dans l’indifférence la plus complète…
Quelques légionnaires seulement ont assisté aux cérémonies de la matinée… L’après midi, pour la descente des couleurs, seul le Président local était présent. Le public faisait totalement défaut, de même d’ailleurs que les légionnaires… »
Le 21 octobre 1942, le commissaire de police note : « La population, notamment les ouvriers d’usine, commentent défavorablement le discours prononcé hier au soir par le chef du gouvernement. Les ouvriers sont nettement hostiles à l’idée de relève » et plus loin « la relève n’a aucun succès à Bollène, seuls deux ouvriers ont été candidats au départ pour l’Allemagne. Ils ont d’ailleurs été refusés à la visite médicale… »
Un mois plus tard il constate « … les événements militaires favorables aux troupes anglo-saxonnes ont fait augmenter sensiblement le nombre de gaullistes qui pratiquement atteint la totalité de la population… L’agence de l’office de placement allemand installé à Bollène n’a aucun succès. Il est vrai que le milieu ouvrier Bollénois est nettement hostile à la relève… »
(Source : A.D. Vaucluse 3W18)
Les collaborateurs n’ont jamais été légion…
La confiance dans le maréchal PETAIN, malgré une propagande incessante, diminue de jour en jour. Indifférence et bientôt hostilité marquée. Lors de sa venue à AVIGNON au début du mois d’octobre 1942, un rapport de police constate que sa présence dans le département « a fait déplacer un nombre très limité de Bollénois. »
Le 11 novembre 1942, Hitler fait occuper la zone dite « libre ». Son compère Mussolini lui prête main forte. Le traité d’armistice signé en juin 1940 est foulé au pied. L’armée française dite « d’armistice » est dissoute. PETAIN laisse faire, ne proteste pas. L’idée de collaboration prônée par le maréchal, acceptée au début, régresse de plus en plus à Bollène et dans le canton à l’arrivée des soldats d’occupation, des Italiens d’abord, suivis bientôt des uniformes vert de gris. Dans ses rapports devenus hebdomadaires le commissaire de police écrit :
le 17 novembre 1942 : « un millier de soldats italiens et une trentaine d’officiers vont cantonner dans la localité. Un délégué du bureau de placement d’Avignon a ouvert toute la journée une permanence à la mairie. Cette tentative d’embauche n’a eu aucun succès. »
le 25 novembre 1942 : « Les opérations du front de l’Est, peu favorables aux troupes de l’Axe, renforcent l’idée que l’Allemagne ne gagnera pas la guerre. Partant de ce point de vue, l’idée de collaboration est de plus en plus en régression. »
le 3 septembre 1943 : « La nouvelle d’un débarquement anglo-américain en Italie s’est répandue dans le pays avec une rapidité déconcertante. La joie se lit sur tous les visages…
Au cours de la nuit, des papillons ont été collés en ville disant :
« Pour libérer la France et chasser LAVAL - PETAIN, grève générale »
A St Pierre « Vive la grève générale » a été inscrit au goudron sur le lavoir public. »
le 9 septembre 1943 : « La capitulation de l’Italie a provoqué une explosion de joie… l’issue de la guerre ne fait de doute pour personne ici à Bollène, où d’ailleurs les collaborateurs n’ont jamais été légion. Ceux qui affichaient des sentiments germanophiles les taisent actuellement. Certains même changent totalement d’opinion… »
(Source : A.D. Vaucluse.)
Un rapport du commandant de la gendarmerie, daté du 19 Février 1943, confirme les appréciations du commissaire de police de Bollène. En voici des extraits :
" le nombre des partisans du gouvernement décroît de jour en jour... La propagande en faveur de la collaboration reste sans effet et les désignations massives en vue de la relève sont de plus en plus critiquées dans toutes les classes de la société. Les ouvriers désignés pour partir s'en vont avec un très mauvais moral et les défections sont nombreuses... Bientôt on pourra compter ceux qui ont conservé leur foi entière dans le gouvernement. La grande majorité ne veut plus entendre parler de collaboration..."
(source : A.D. Vaucluse)
Cette évolution rapide de l’état d’esprit de la population du canton va permettre un développement de la Résistance et des actions multiples contre l’envahisseur et ses complices de VICHY. Désormais, à partir de janvier 1943 la Résistance devient une résistance massive de la grande majorité de la population. Les organisations de Résistance bénéficient de la sympathie et d’un soutien efficace.
Premiers pas dans la RESISTANCE.
Durant la « drôle de guerre « les communistes non mobilisés aux armées avaient fait front courageusement aux mesures de répression. Malgré l’interdiction , le Parti communiste devenu illégal, avait survécu. Il s’était réorganisé clandestinement conservant des contacts entre militants.
C’est ce que souligne le commissaire de police de Bollène dans son rapport du 14 février 1940 au Préfet, sous le gouvernement DALADIER :
« Le Parti communiste dissous semble continuer sa propagande. Les militants ne désarment pas. Des réunions clandestines se tiennent chez l’un ou l’autre des membres du PARTI… »
(A.D. Vaucluse 4W9481)
Le 31 octobre 1940 nouveau rapport, juste après l’arrivée de PETAIN au pouvoir :
« Le parti extrémiste continue son action et ne désarme pas… Les membres marquants du Parti se réunissent de temps à autres, soit chez l’un d’eux ou dans un local dissimulé à la vue des passants.
Ils agissent avec une grande prudence et sont extrêmement méfiants. J’envisage sous peu une rafle partielle, peut être complète, des membres influents de ce Parti… Je me suis attaché une personne dévouée, bien française, laquelle me donne un appui sans réserve, et ceci gracieusement, pour opérer le nettoyage complet »
Note du chef de cabinet du Préfet du 4 novembre 1940 : :
« Copie transmise à M. le commissaire spécial, avec prière de s’entendre avec M. le commissaire de police de Bollène et de lui prêter son concours pour effectuer les opérations de police envisagées »
(Source A.D. Vaucluse)
Le Préfet dans son rapport du 4 décembre 1940 au ministre de l’intérieur confirme cette appréciation : :
« Il est certain que les éléments communistes de la région n’ont pas désarmé. Toutefois ils agissent avec une extrême prudence que n’ont fait qu’accroître les différentes opérations de répression entreprises sur l’ensemble du territoire. »
Quel était le sens de leur action ?
Chez les communistes l’antifascisme est devenu une sorte de réflexe. Le fascisme symbolisé à leurs yeux depuis de nombreuses années par HITLER et MUSSOLINI, l’est également aujourd’hui par le régime de VICHY.
Ils sont également inspirés d’un profond patriotisme. Ils n’acceptent pas la défaite et l’occupation d’une partie de la France par une armée étrangère qui de plus véhicule l’idéologie nazie, raciste et dominatrice.
Dés octobre 1940, apparaissent à Bollène des papillons imprimés par les communistes disant notamment :
« A la porte les forbans de VICHY, valets de l’étranger »
« Du pain, de la viande.
Vive l’amitié Franco - soviétique. »
« On les assassine ! 20 000 travailleurs souffrent dans les camps des deux zones pour avoir défendu la Paix.
A la porte les tortionnaires de VICHY. »
A ce moment là, les communistes Bollénois n’avaient pas encore connaissance des appels à la Résistance du général DE GAULLE et de Maurice THOREZ.
Mais déjà ils agissaient. Les communistes non mobilisés avaient acquis depuis l’interdiction de leur Parti en septembre 1940 une très grande expérience de la lutte clandestine. Ils la firent partager aux communistes démobilisés de retour au pays et aux jeunes.
Ils purent ainsi, dés la prise du pouvoir du maréchal PETAIN, éditer et diffuser des tracts clandestins appelant à la Résistance, dans tout le canton de Bollène. Comme le constate le commissaire de police « les militants communistes n’ont pas désarmé. » Rapidement, après la période de désarroi, d’autres patriotes notamment ceux qui font confiance au général DE GAULLE, vont se joindre à eux. Bollène deviendra « une plaque tournante de la Résistance du Nord VAUCLUSE. »
Dés juin et juillet 1940 des appels sont lancés à la Résistance. On en dénombre une douzaine. Les plus connus sont ceux du général DE GAULLE, du Parti communiste et du général COCHET.
Appel du général DE GAULLE.
Lancé le 18 juin 1940 de LONDRES par radio, fut très peu connu à Bollène.
Il disait notamment :
« Le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ?
NON !
Croyez moi… je vous dis que rien n’est perdu pour la France…
Quoi qu’il arrive, la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ! »
Dans son appel il demandait aux officiers, aux soldats, aux ingénieurs, aux ouvriers spécialisés de venir le rejoindre à LONDRES.
Plusieurs jeunes Bollénois répondirent à son appel et s’engagèrent dans les Forces Françaises Libres (F.F.L.) Paul ACARIAS qui à la Libération revint au pays avec le grade de commandant de marine. FEGNES qui participa au débarquement de DIEPPE. PARRET et TETAER, Antoine CERVERAS, Robert GENERAT de MONDRAGON.
Appel du Parti communiste signé Maurice THOREZ et Jacques DUCLOS.
Cet appel lancé le 10 juillet 1940, le jour même où une majorité des députés accordait les pleins pouvoir au maréchal PETAIN, sonnant le glas de la République, eut un écho certain. Edité en tracts ronéotypés, il est distribué clandestinement, la nuit, dans les boîtes aux lettres, par les militants communistes locaux.
Faisant écho aux fières paroles de Dolores IBARRURI, la Passionaria des Républicains espagnols : « Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux », il déclarait notamment :
« Jamais un grand peuple comme le nôtre sera un peuple d’esclaves…
Ce ne sont ni les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France…
C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale…
Peuple de France, le Parti communiste t’appelle à t’unir dans les usines, les villes, les villages…
Tous unis, nous relèverons la France, nous assurerons, sa liberté, sa prospérité et son indépendance. »
On retrouve l’écho de ces fières paroles, dans la lettre de Danielle CASANOVA, la veille de son départ du camp de ROMAINVILLE pour l’Allemagne :
« Nous sommes fières d’être Françaises et Communistes. Nous ne baisserons jamais la tête ; nous ne vivons que pour la lutte. »
Très peu de communistes rejoignent le général DE GAULLE à LONDRES. Pourquoi ? Parce que le mot d’ordre de leur Parti était : Ne pas quitter la France. Organiser la lutte sur le sol même de la Patrie.
Voir document: L’Humanité clandestine distribuée la nuit à Bollène
Appel du général d’aviation Gabriel COCHET le 6 septembre 1940.
Il appelle à « rétablir la France dans son intégrité et son indépendance. Pour atteindre ce but, « union des Français de toute classe, de toute opinion… Un seul ennemi : le boche et avec lui tous ceux qui l’aident »
Il constitue des groupes de résistants dans l’Ardèche, notamment à AUBENAS, VIVIERS et BOURG St ANDEOL.
Les jeunes dans la Résistance.
Les jeunes communistes démobilisés qui reviennent au pays, meurtris par la défaite, se retrouvent, discutent.
Que faire ?
Ils décident de se mettre au travail avec comme objectif :
Rassembler, unir, tous ceux et toutes celles qui n’acceptent pas la défaite et le régime de VICHY aux ordres de l’occupant.
Informer la population. Répondre à la censure et aux mensonges de la radio et de la presse.
Chercher et rassembler les armes en vue de reprendre les combats le moment venu. Ils savent en effet qu’une unité française venue de SEDAN en combattant jusqu’à ORANGE a refusé de remettre ses armes et les a cachées quelque part dans la région.
Profitant de l’expérience de leurs aînés qui durant la « drôle de guerre » ont su se regrouper clandestinement , ils constituent de petits groupes de trois membres, appelés « triangles », ne se connaissant pas entre eux, pour limiter au maximum les dégâts de la répression quand elle s’abattra sur eux.
Au début ces jeunes résistants sont très peu nombreux. On les compte sur les doigts de la main. Trois groupes voient le jour dés septembre 1940, à Bollène ville, au hameau de La Croisière et Mornas.
Ce sont des ouvriers, des paysans, des cheminots, des enseignants, des jeunes filles. Certains sont communistes. D’autres ne le sont pas.
Ils distribuent, la nuit, des tracts qui viennent d’AVIGNON, notamment l’appel de Maurice THOREZ. Ils commencent à faire l’apprentissage de l’action clandestine avec la crainte permanente de rencontrer un policier de VICHY. Combien de fois leur cœur s’est mis à battre violemment lorsqu’à l’entrée d’une ferme une meute de chiens se déchaînait.
Souvent la peur, mais une volonté farouche de lutter.
C’est l’instituteur Charles MONIER qui chaque semaine prend le train pour aller chercher les tracts chez un coiffeur avignonnais Marcel MIRO responsable départemental des jeunesses communistes.
Ensuite il les répartit entre les différents responsables des « triangles » du canton qui se chargent de la distribution la nuit : Charles CLEMENT à Bollène, Louis DUGAS dit Loulou à La Croisière et un jeune paysan de MORNAS. Marcel MIRO est arrêté par la police de VICHY, le 1er décembre 1940 et écroué à la maison d’arrêt d’AVIGNON, avec quatre autres militants communistes.
Une nouvelle filière se met en place et la diffusion de tracts continue.
Avec leurs aînés communistes, ils organisent le refus de s’enrôler dans la Légion Française des combattants que les partisans de PETAIN s ‘efforcent de constituer à Bollène et dans les villages. Ils obtiennent des résultats non négligeables notamment chez les ouvriers d’usine comme le souligne le commissaire de police.
Le dimanche, ils se rendent au cinéma et au moment de la projection des « actualités » sifflent copieusement Hitler, Pétain et Laval lorsqu’ils apparaissent sur l’écran, l’obscurité assurant leur protection.
Voir document: tract distribué en novembre 1943 par les jeunes communistes de Bollène.
La projection, en octobre 1940, de la poignée de mains à MONTOIRE entre HITLER et PETAIN, souleva une tempête de sifflets et de cris hostiles, une grande partie de la salle s’étant joint aux jeunes résistants.
A la suite de ces manifestations, le Préfet obligea le propriétaire du cinéma à éclairer la salle au moment du passage des « actualités ».
Des sorties à bicyclette sont également organisées. Sous le prétexte anodin de promenades, garçons et filles partent en chantant et profitent de leur passage dans la campagne et les villages pour laisser tomber quelques tracts. Ils vont parfois très loin. Une excursion au site des dentelles de MONTMIRAIL a tous les aspects d’une promenade touristique. Comment les policiers de VICHY pourraient-ils se douter que ces jeunes garçons et ces jeunes filles qui appuient fougueusement sur les pédales sont de jeunes Résistants qui vont certes se distraire, mais en même temps distribuer des tracts clandestins.
Ce sont les premières actions de la Résistance dans la région de Bollène, bien timides il est vrai. Mais ce sont les débuts d’une opposition au régime de VICHY qui de jour en jour va prendre de l’ampleur avec d’autres combattants non communistes, gaullistes ou autres.
Un livre « les inconnus de la Résistance » à la page 65 évoque ces jeunes résistants :
« Ils étaient cinq garçons et deux filles, en 1940, dans le hameau de Bollène La Croisière (Vaucluse) ; Charles instituteur, Louis employé de la SNCF, Léon ouvrier, Henri et René cultivateurs, Andrée et Elise, membres de la jeunesse communiste ou sympathisants.
En août 1943, le groupe est repéré par la GESTAPO. Un matin les SS aidés des miliciens locaux investissent le village et sèment la terreur. Louis réussit par miracle à s’enfuir. Léon est arrêté chez lui, mais au moment où on va lui passer les menottes il fonce tête baissée sur l’un des miliciens pendant que sa mère fait un croc en jambe au second. Les miliciens tirent. Léon court. Les balles sifflent autour de lui. Il court… Il est sauvé. Charles se réfugie chez une voisine, catholique fervente, qui le cache dans une étable. »
En 1942, lorsque les troupes hitlériennes envahissent la zone sud, les garçons deviennent des « Francs Tireurs et Partisans (F.T.P) et les filles des agents de liaison de la Résistance.
Nous en reparlerons plus loin.
Au même moment, d’autres « triangles » de résistants se constituent avec des communistes plus âgés : Charles RAMIERE, Albert BOUCHET, Claudius CHARVOLIN, Louis BOISSIN, Maurice MALBOIS à Bollène, Marin RAMIERE à MONDRAGON. Paul CHABERT et Eugène BARD à SAINTE CECILE LES VIGNES.
Le noyautage des syndicats de VICHY.
Dans le but d’obtenir un soutien populaire le gouvernement de VICHY promulgue la charte du Travail et tente d’organiser des syndicats à la dévotion du nouveau régime. Le Préfet du Vaucluse constate en février 1943 « que l’union départementale unique des ouvriers entretient avec l’administration de bons rapports… Cependant elle n’a pas beaucoup d’autorité sur la masse ouvrière qui lui échappe ».
(A.D. Vaucluse)
La C.G.T. clandestine invite ses militants à rejoindre les syndicats Vichystes, les seuls tolérés, à les noyauter et à entraîner les ouvriers à des actions revendicatives, au lieu de se prêter à une collaboration avec le patronat et avec l’occupant nazi.
C’est un autre chemin de la Résistance.
M. TAILLEFER, inspecteur du travail, dans un rapport de juin 1941 indique :
« Le syndicat des ouvriers de la céramique à Bollène est dirigé par d’anciens membres du Parti communiste. Le secrétaire actuel est un ancien conseiller municipal communiste de Bollène.
De son côté le commissaire de police donne la composition du bureau :
VENDRAN Edmond secrétaire.
COUDENE Julien secrétaire adjoint.
VILLE Albert Trésorier.
CAMOUS André Trésorier adjoint.
DUMONT Roger Archiviste.
(A.D. Vaucluse 3W17)
Quatre de ces membres sont d’anciens cégétistes appliquant les directives de la CGT clandestine.
Mobiliser et agir pour les revendications était un acte de Résistance contre un patronat au service de l’occupant. Le 13 mai 1941, 26 ouvriers sur 37 de l’entreprise de cartonnage BARNERON à SAINTE CECILE LES VIGNES se mettent en grève pour un meilleur salaire. Une augmentation de 2F par « grosse de boîte » leur est accordée.
A Bollène, entreprise VALLABREGUE, un ouvrier résistant Albert BOUCHET tente d’entraîner dans la grève ses camarades d’usine. A La Croisière, usine VALUY c’est l’instituteur Charles MONIER, embauché après sa révocation d’instituteur, qui tente un arrêt de travail.
Devant la peur d’une répression qui apparaît comme certaine les deux actions échouent.
La population urbaine de BOLLENE, dés 1940, souffre de l’insuffisance du ravitaillement. Les Allemands, avec la complicité de VICHY se livrent au pillage des denrées alimentaires. De la gare de La Croisière partent en direction du REICH des citernes de notre bon vin des côtes du Rhône. Les denrées essentielles sont strictement rationnées et délivrées que sur présentation de tickets d’alimentation. Il y a souvent pénurie d’huile, de beurre, de sucre. Cependant les personnes fortunées peuvent s’en procurer au «marché noir». Des trafiquants sans scrupules réalisent des fortunes, ce qui provoque la colère des mères de famille qui souvent manifestent pour un meilleur ravitaillement. Les longues queues d’attente devant les magasins d’alimentation irritent les ménagères. Les résistantes en profitent pour glisser dans les cabas, un tract clandestin appelant à manifester.
Voici le rationnement en 1940 :
250g de pain par jour
180g de viande par semaine
15g de matières grasses par jour
40g de fromage par semaine
500g de sucre par mois.
Avec le pillage organisé par l’occupant ces rations ne cesseront de diminuer. Le peuple de France a faim.
Dés 1941, des actions se développent contre l’insuffisance du ravitaillement et la cherté des denrées. C’est une autre voie de la résistance.
Dans son rapport du 24 février 1942, le commissaire de police écrit :
« Trois manifestations ont eu lieu à BOLLENE organisées par des mères de famille. La troisième aurait, si elle n’avait pas été éventée, revêtu un caractère plus sérieux que les précédentes, en raison du nombre plus important de manifestants…
Je suis persuadé que d’autres manifestations sont à prévoir et je m’efforce de pouvoir déceler les meneurs qui, cela ne fait aucun doute, appartiennent à l’ex Parti Communiste…
La mentalité ouvrière est très mauvaise… La cantine d’entraide familiale fonctionne depuis la semaine dernière…, cette œuvre n’est pas exempte de critiques. Deux arguments sont mis en vedette, le premier est relatif au prix des repas fixé à 3,50 F. Le second en raison du lieu de distribution dans un local du couvent du Saint Sacrement, ne disposant pas de local laïque…
En résumé, la situation à BOLLENE, sans être dramatique, est toutefois tendue… »
(Source A.D. Vaucluse 3W18)
En 1943, le commissaire de police signale encore le mécontentement de la population au sujet du ravitaillement :
« 12 janvier 1943 : La population manifeste son mécontentement à la suite des informations l’avertissant que la ration mensuelle d’huile ne serait pas distribuée.
23 janvier 1943 : La population se plaint de l’absence d’huile et souhaite la deuxième distribution de beurre du mois de janvier.
8 février 1943 : Les ménagères ne cachent pas leur mécontentement relatif à la non-distribution de la ration de matières grasses de janvier
(Sources A.D. Vaucluse 3W19)
1941 : La Résistance s’organise et agit.
La Résistance s’organise, se renforce et agit.
La police surveille étroitement les milieux communistes et tente d’y introduire des mouchards.
Rapport du 13 mai 1941 du commissaire de police :
« D’une façon générale, la population est calme… Diverses surveillances exercées à La Croisière ont révélé que les ex communistes continuent à avoir des rapports très fréquents. L’introduction dans ce milieu d’un inspecteur de police mobile ou spéciale pourrait donner d’excellents résultats. D’ailleurs un entrepreneur de transport du quartier consentirait à embaucher cet inspecteur dans le cas ou son détachement serait envisagé. »
Et le 28 mai 1941 :
« La propagande chuchotée continue. Par contre certains communistes de La Croisière se réunissent sous prétexte de parties de boules. Ils forment un noyau qui peut devenir dangereux. Quand des renseignements plus précis me seront fournis, je me propose de demander le déplacement de trois employés de la SNCF, déplacement qui aurait pour but de dissocier ce noyau et qui serait un avertissement salutaire pour tous les communistes du quartier. »
Le 12 juin 1941 il ajoute :
« Je tiens à signaler l’intérêt qu’il y aurait à changer le chef de gare de La Croisière sur lequel les employés ont trop d’ascendant…
J’ai pu constater au cours de surveillances que les employés de la gare forment un véritable soviet de communistes ou de sympathisants sur lequel, leur chef paraît avoir manqué d’autorité.
J’insiste sur le fait, qu’il ne peut s’agir d’une brimade vis à vis de Monsieur le chef de gare, mais je suis persuadé que l’arrivée à la gare, d’un chef énergique atténuerait les effets d’une propagande qui pour être chuchotée, n’en est pas moins efficace et dangereuse. »
(Source A.D. Vaucluse 3W17)
Nous avons déjà donné la liste des agents SNCF du canton de BOLLENE, «suspects» et étroitement surveillés. Il faut y ajouter le jeune résistant communiste Louis DUGAS, particulièrement actif qui en 1942 créa avec Henri SABATIER le groupe FTPF de La Croisière et participa à la bataille du rail.
Le tirage des tracts clandestins.
Les Résistants étaient appelés à répondre constamment à la propagande de VICHY et des occupants. Chaque jour la radio de Londres répétait : « Radio Paris ment, radio Paris ment, radio Paris est allemand. »
Il fallait sans cesse y répondre par la distribution de tracts. Après les arrestations de décembre 1940 a AVIGNON et la surveillance policière, il devient dangereux d’aller chercher les tracts au chef lieu du département. Les résistants communistes du canton mettent alors en place trois imprimeries clandestines très rudimentaires (ronéo et pâte à polycopier). Les tracts imprimés ou établis à la main sont souvent peu lisibles mais ils redonnent confiance à la population. C’est essentiel. Ils font connaître les premiers échecs de l’armée hitlérienne sur le front de l’est et en Afrique. Ce que radio Paris et la presse Vichyste cachent soigneusement. A BOLLENE ce sont Albert et Lucienne PEYRON, dans leur droguerie de la rue de la Paix, qui assurent le tirage des tracts. La ronéo est installée dans le grenier. Elle échappe à toutes les perquisitions de la police.
A MONDRAGON ce sont Marin RAMIERE et sa famille qui confectionnent des tracts avec une machine à écrire. Dans leur ferme à NOTRE DAME DES PLANS ils cachent et hébergent deux résistants : Louis ROCHE et Jean ESTAIS (alias Petit Louis). Avec eux, ils distribuent les tracts qu’ils ont fabriqués. Ils feront également sauter la voie ferrée qui passe à proximité de leur ferme.
A LAPALUD et PIERRELATTE, René SESTON et son épouse éditent des tracts à l’aide d’une imprimante. C’est en collant ces tracts, la nuit, sur les platanes, que René fut aperçu, dénoncé et arrêté. D’abord enfermé à la centrale d’EYSSES, il fut ensuite déporté en Allemagne au camp de DACHAU où il réussit à survivre grâce à un ouvrier allemand qui travaillait dans la même usine et lui donnait à manger au péril de sa vie. Comme quoi les Allemands n’étaient pas tous des nazis.
La Résistance installait également des imprimeries clandestines pour le tirage de tracts et d’affiches en grandes quantités. Cette tâche était confiée à des Résistants particulièrement courageux. Tâche ardue et dangereuse car la police recherchait activement ces imprimeries clandestines.
Voici le témoignage de Maurice MAZELIER un jeune instituteur de la Drôme :
« Il fallait d’abord se procurer une ronéo. C’est une équipe spéciale qui s’en chargeait. Souvent il fallait remettre l’engin en état de marche. A l’époque j’ignorais tout de la ronéo.
Ensuite il fallait trouver un lieu à l’abri des regards indiscrets. La première fois je l’installais chez mes parents. Après chaque tirage, j’enterrais la ronéo dans le poulailler sous une tôle et 20 cm de guano de poules. J’avais des ennuis avec l’encre et l’essence. Les dissolvants étaient extrêmement rares. J’avais les mains en permanence compromettantes.
Un jour les gendarmes se présentèrent à la maison. J’eus juste le temps de cacher la ronéo et le matériel dans une vieille malle. Le lendemain il fallut chercher un autre abri, transporter l’appareil à la barbe de la gestapo et de la police de VICHY. Déménagement toujours très dangereux. La ronéo fut installée dans une cave, puis dans une maison isolée. Il fallait souvent déménager pour éviter d’être repéré. Je tirais les tracts la nuit. Il m’est arrivé de ne pas avoir fini avec le jour. J’attendais l’autre nuit. L’essentiel était le tirage, pour que les agents de liaison puissent transporter les tracts et les répartir dans les villes et les villages où d’autres résistants les distribuaient clandestinement.
La recherche du papier était aussi une de mes préoccupations. Il n’était pas toujours de bonne qualité.
Le tirage des tracts et journaux clandestins était indispensable pour informer la population. C’était un travail dangereux car la police était toujours aux aguets. »
Papillons collés par les jeunes communistes sur les murs de Bollène.
Tracts clandestins distribués à Bollène et dans le canton.
Image 018 le discours de Hitler
Image 019 nouveaux succès de l’armée rouge
L’écoute des radios étrangères véritable soutien moral aux Résistants.
Les tracts clandestins ont joué un rôle déterminant dans les progrès de la Résistance.
Transmis en cachette, de main en main, ils apportaient un rayon de soleil dans les ténèbres de l’occupation. Il en fut de même pour les radios étrangères, la B.B.C. anglaise, radio Moscou et la radio suisse.
L’écoute de ces radios était d’un grand soutien moral pour les Résistants.
Tous les Résistants gardent en mémoire, avec beaucoup d’émotion, les émissions en français de la radio anglaise. Tous attendaient avec impatience devant leur poste TSF le fameux «boum, boum, boum. Ici radio Londres. Les Français parlent aux Français». Elles étaient particulièrement écoutées malgré le brouillage effectué par les Allemands et les risques encourus.
La police de VICHY s’efforçait de découvrir les personnes qui écoutaient ces radios étrangères. Elles étaient souvent dénoncées par un voisin qui signait toujours : « Un bon français » Les sanctions étaient de lourdes amendes, voire même de la prison.
Plusieurs Bollénois en furent victimes.
La police de VICHY recherche et traque les Résistants.
Outre le commissaire de police de Bollène, la gendarmerie surveille et recherche les Résistants. Plus tard en 1943, la milice et la gestapo entrèrent en action.
Extrait de rapports de gendarmerie :
« 20 janvier 1942 : Propagande communiste : le parti communiste a conservé de nombreux militants. Cependant les mesures énergiques prises contre les dirigeants et meneurs (internement, mise en résidence surveillée, licenciements) ont permis d’obtenir des résultats certains. Si l’on continue dans cette voie, le Parti communiste deviendra de moins en moins dangereux.
La propagande gaulliste n’a fait aucun progrès. Ce mouvement ne paraît pas constituer à l’heure actuelle une menace sérieuse. »
21 février 1942 (Extraits d’un rapport de la compagnie de gendarmerie de Vaucluse.)
« A LAPALUD les inscriptions suivantes à la craie et au charbon ont été relevées sur les murs en deux endroits différents le 9 février :
« Peuple courage, bientôt finira ton esclavage »
« Camarade courage, les Russes avancent »
Malgré les recherches il n’a pas été possible de retrouver les auteurs, vraisemblablement des communistes de la région.
Les diverses manifestations de ménagères à AVIGNON et BOLLENE ont été lancées vraisemblablement à l’instigation des communistes et la majorité des femmes qui y ont pris part seraient les épouses ou parentes des militants du Parti communiste et quelques étrangères. C’est particulièrement à AVIGNON, BOLLENE, LAPALUD, MONDRAGON, CAVAILLON, ROBION et MORIERES que la propagande sournoise semble s’exercer le plus. La propagande gaulliste semble s’atténuer.
La pénurie de denrées alimentaires provoque irritation et mauvaise humeur.
Conclusion : Dans l’ensemble l’esprit favorable à la révolution nationale ne fait pas beaucoup de progrès et au contraire les premières tentatives de manifestations ont fait leur apparition, indice certain d’une recrudescence de l’activité du Parti communiste. »
29 avril 1942 (Rapport du capitaine commandant la gendarmerie d’ORANGE) (Extraits) :
« Tout récemment le chef de Brigade en tournée à LAPALUD, apprit de source certaine, que l’auteur des inscriptions (citées dans le rapport du 21 février) n’était autre que l’ancien maire BUFFIER Danton connu pour ses idées extrémistes.
Il y a environ deux mois, le jeune N…, âgé de 18 ans, employé chez M. S… boulanger, avait surpris un soir BUFFIER au moment où il faisait des inscriptions… Il paraîtrait notamment utile d’effectuer une perquisition au domicile de BUFFIER, profiter de cette occasion pour obtenir toutes précisions voulues et le mettre aussitôt en état d ‘arrestation. Des perquisitions pourraient être effectuées également aux domiciles de M. NURY, instituteur à LAMOTTE mais résidant à LAPALUD (ayant fait l’objet d’une mesure de révocation temporaire) qui a été vu le même soir où BUFFIER a été surpris, circulant à bicyclette dans les environs et faisant très certainement le guet.
Enfin chez THOMAS Désiré, bourrelier qui est fortement soupçonné d’être l’auteur d’inscriptions faites à l’huile de pied de bœuf.
A noter également que dans la nuit du 1er au 2 mars, une dizaine de tracts communistes ont été découverts dans la région de LAMOTTE. Une mesure d’épuration paraît donc nécessaire. »
(Source A.D. Vaucluse dossier 9481)
1941 : Premières mesures répressives.
L’agression des armées hitlériennes contre l’URSS le 22 juin 1941 et l’entrée en guerre des Etats Unis d’Amérique contre l’Allemagne le 17 décembre 1941, renforcent l’espérance et l’action des patriotes. La population commence à douter de la victoire d’Hitler. De nouveaux groupes de résistants se constituent et participent activement à la distribution de tracts clandestins. En général, ceux-ci sont bien accueillis par une population qui exprime de plus en plus son mécontentement contre la politique de collaboration de VICHY, les tickets de rationnement et le marché noir dont profitent essentiellement les couches aisées de la population.
Face à la Résistance qui grandit, vont apparaître des mesures répressives de plus en plus dures. Le ton est donné par une lettre du 8 juillet 1941 de l’amiral DARLAN ministre d’Etat à l’intérieur :
« Ainsi que j’en ai informé les ministres et secrétaires d’Etat par une lettre en date du 7 juillet 1941, le gouvernement a décidé de réprimer avec la plus grande énergie les menées communistes.
La lettre précitée rappelle que déjà le décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes, interdit expressément, toute activité sous quelque forme qu’elle se présente… Cette interdiction revêt une importance particulière en ce qui concerne les agents des services publics… »
(A.D. Vaucluse dossier 4W9480.)
Au service de l’occupant, le patron donne des ordres, les larbins s’empressent d’exécuter. C’est en application de ces directives que le commissaire de police de Bollène et la police de VICHY exercent une surveillance étroite des militants communistes et pratiquent à leur encontre des mesures répressives très rigoureuses avant même que la GESTAPO et la milice de PETAIN interviennent à leur tour.
Le commissaire de police perçoit un regain d’activité des résistants et s’empresse de le signaler au Préfet du Vaucluse dans son rapport du 24 novembre 1941 :
« L’ex Parti communiste qui depuis avril dernier n’avait manifesté aucune activité, a fait afficher dans la nuit du 3 au 4 novembre quelques tracts semblant provenir du GARD. Par mesure de représailles, j’ai immédiatement retiré une vingtaine de permis de chasse à des ex-communistes. Toute agitation semble enrayée pour l’instant…
Un tract a été découvert au marché ainsi libellé :
A l’envahisseur et à ses larbins.
Les forces hitlériennes, soutenues par VICHY, ont fait couler le sang de milliers de Français, fauchés à la mitrailleuse, des femmes, des enfants, des vieillards s’enfuyant sur les routes devant l’envahisseur.
Elles tiennent sous leur joug, deux millions de prisonniers qui servent de monnaie d’échange aux trahisons des forbans de VICHY.
L’enquête à laquelle je me suis livré n’ayant donné aucun résultat appréciable, je dirige mes investigations dans le quartier de la gare et de La Croisière.
(A.D. Vaucluse 3W17 et 4W9481)
Permis de chasse retirés à des communistes en 1941.
Sur ordre du commissaire de police de Bollène.
AUDOUARD Lucien |
Bollène |
DUGAS Louis (fils) |
Bollène |
BORELLY Emile |
Bollène |
RAMIERE Charles |
Bollène |
BISCARRAT Jean |
Bollène |
RAFFIN Joseph |
Bollène |
BERNARD Georges |
Bollène |
ROZIER Marius |
Bollène |
BOUIX Louis |
Bollène |
VRAY Honoré |
Bollène |
CAMOUS Aimé |
Bollène |
VERGNE Louis |
Bollène |
DUGAS Jules |
Bollène |
BRUN Louis |
Mornas |
DUGAS Louis (père) |
Bollène |
MACCHIA César |
Mornas |
BUFFIER Danton |
Lapalud |
BOUGNARD Albert |
Mornas |
DURAND Albert Jean |
Lapalud |
MATHIEU Henri |
Mondragon |
JOLIVET Roger |
Lapalud |
RAMIERE Marin |
Mondragon |
SESTON Emile |
Lapalud |
SAPET Roger |
Mondragon |
CHARRIER Louis |
Mondragon |
TALLAMOND Léon |
Mondragon |
DELEUZ Raoul |
Mondragon |
TALLAMOND Urbain |
Mondragon |
GENDRIER Gratien |
Mondragon |
TEN Jules |
Lagnes |
(A.D. Vaucluse 3W236)
Sur 109 permis de chasse retirés dans le département 30 concernent des habitants du canton. Beaucoup n’étaient pas communistes, ni résistants. Le but était, par une répression aveugle, d’intimider la population.
Assassinat d'un dirigeant socialiste
Assassinat du dirigeant socialiste MARX DORMOY le 25 juillet 1941 au Relais de l’Empereur à MONTELIMAR. Ancien Ministre du Front Populaire, en résidence surveillée à MONTELIMAR, tué par une bombe qui lui fut transmise par la CAGOULE, dans un bouquet de fleurs.
Ce crime aussitôt connu soulève l’émotion et l’indignation parmi les résistants bollénois.
Autres chemins de la Résistance.
Les groupes de résistants communistes furent les premiers à apparaître dans le canton. Les rapports de police le confirment. C’est sans doute la conséquence du passé politique de communes comme BOLLENE et MONDRAGON.
En 1942, de nouveaux réseaux et groupes de résistants, notamment gaullistes et chrétiens commencent à se manifester.
Le commissaire de police de BOLLENE, le 20 mai 1942, transmet au préfet, un exemplaire d’un tract gaulliste « La France libre » reçu par Monsieur le curé ROUX de La Croisière. La lettre postée à NIMES a été distribuée par le facteur. Elle contenait deux tracts. L’enveloppe et un exemplaire de ces tracts ont été remis à la police par l’entremise de la section locale de la Légion des combattants.
(A.D. Vaucluse 4W9480)
Un rapport du commissaire principal des renseignements généraux en date du 26 décembre 1942 indique:
« Pour la première fois des tracts intitulés « appel à la conscience chrétienne » ont été remis à la police le 22 courant. Ces tracts portant au bas du texte la mention suivante : « Cahiers de témoignage chrétien » Ils prennent nettement position contre la politique du gouvernement et surtout contre la persécution des juifs. »
(A.D. Vaucluse Dossier R.G.)
Le journal clandestin « Libération » du mouvement gaulliste du même nom fait son apparition. Il est imprimé à Orange. Un peu plus tard, en décembre 1943, le journal clandestin « Provence Libre » organe régional des Mouvements Unis de la Résistance Française (Combat, Libération, Franc Tireur) est diffusé à Bollène par des résistants gaullistes.
Témoignage du commissaire de police de BOLLENE le 24 septembre 1942 :
« Les arrestations de juifs ont soulevé l’opinion… Au cours d’un sermon en l’église de BOLLENE, un prédicateur s’est fait l’avocat des israélites « persécutés »…
Les milieux ouvriers sont toujours hostiles aux départs pour l’Allemagne…
Aucune activité marquée, mais sourde opposition des ex-communistes et ex-radicaux… »
(A.D. Vaucluse 3W18)
Au sujet des arrestations de juifs, un rapport des renseignements généraux en date du 11 janvier 1943 analyse l’attitude du clergé Vauclusien :
« Les arrestations d’israélites étrangers dans le département de Vaucluse n’ont pas provoqué de réaction notable dans le clergé et les milieux catholiques… Bien que n’approuvant pas les déportations de juifs, le clergé du département observe une attitude réservée et n’extériorise pas son opinion à ce sujet.
A l’égard du Maréchal, la position du clergé est favorable. Suivant en cela les directives données par l’archevêque d’AVIGNON, les membres du clergé approuvant officiellement la politique du gouvernement… »
(A.D. Vaucluse.)
voir document: La Provence libre.
Création du Front National pour la libération et l’indépendance de la France.
En mai 1941, à la suite d’un appel du Parti Communiste clandestin déclarant : « Il faut réaliser l’union de toute la nation, à l’exception des traîtres et des capitulards » se constitue un nouveau mouvement de Résistance : « Le Front National pour la libération et l’indépendance de la France. ». Ce mouvement, à partir de 1942 crée une branche militaire armée : Les Francs Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.)
A BOLLENE l’appel est entendu. Des groupes de FTPF se constituent à La Croisière, à BOLLENE ville, à MONDRAGON.
Des patriotes, des anciens membres du Front Populaire se retrouvent avec des communistes pour la diffusion d’un premier tract le 20 février 1943, ainsi conçu :
« A toutes les milices de PETAIN et de LAVAL, patriotes français, répondez par des groupes de Francs Tireurs.
Ménagères, formez vos groupes de ménagères. Réclamez les 1750 grammes d’huile »
Signé : Le Front National pour l’Indépendance.
Pierre LAVAL, il n’y a pas de pardon.
Un autre tract dactylographié sous forme de lettre à Pierre LAVAL président du Conseil à VICHY déclare :
« Monsieur LAVAL, vous avez souhaité la victoire de l’Allemagne. Vous savez que le Pays, lui tout entier, souhaite la défaite de HITLER.
Vous savez que tous les français ont la certitude que 1943 sera l ‘année de la Libération. Vous avez trahi la volonté souveraine de la Nation, volé le pouvoir, assassiné la République. Vous avez trahi la Patrie en juin 1940. Vous avez livré nos stocks, nos richesses, nos ouvriers. Vous avez fait arrêter, emprisonner, laissé fusiller les Français.
Pierre LAVAL, il n’y a pas de double jeu, il n’y a pas de retournement possible.
IL N’Y A PAS DE PARDON »
Signé : Un patriote.
(A.D. Vaucluse Rapport des R.G. du 20/02/1943.)
Ce tract répond à une initiative des M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance.), qui lancent l’idée d’un référendum national contre VICHY à partir du 15 février 1943, sous la forme d’une lettre au président LAVAL.
De leur côté les communistes poursuivent leur activité. Le 10 novembre 1943, dans son rapport au Préfet le commissaire de police signale la distribution de tracts à BOLLENE :
« Ce sont des tracts faits à la ronéo, signés du Parti communiste et des jeunesses communistes, contre les déportations en Allemagne, pour l’augmentation des salaires. Pour la liberté. Pour la défaite d’HITLER, pour la grève générale le 11 novembre ».
Le tirage de ces tracts est probablement l’œuvre d’Albert et Lucienne PEYRON sur la ronéo installée dans leur grenier.
Certains Résistants se sont engagés dans des réseaux ou milices créés par des partis de gauche. C’est ainsi que M. FRADERA Edmond de LAPALUD, réfractaire au S.T.O, a été membre actif de la milice socialiste de MARSEILLE.